dimanche 4 octobre 2009

DECRYPTAGE : "Tout sauf Free"... la tentation de l'oligopole


Condamnés en novembre 2005 à payer 534 millions d'euros pour s'être entendus illicitement dans le cadre d'un "Yalta" visant à maintenir leurs parts de marché respectives, les trois grands opérateurs français qui se partagent le pactole du téléphone mobile n'ont décidément pas fait amende honorable. Malgré la confirmation de la sanction en juillet 2007, Orange, SFR et Bouygues Telecom ne sont pas loin de récidiver aujourd'hui en reprenant en coeur le slogan  "TSF"...pour "Tout sauf Free".
A la veille de la remise des dossiers de candidatures pour la 4ème licence mobile prévue le 29 octobre, le triumvirat s'active comme jamais pour torpiller l'arrivée d'un nouvel opérateur qui, selon toute vraisemblance, devrait être Free. Surnommé le "trublion de l'Internet", l'inventeur de l'offre "triple play" (fixe + internet + télévision)  à 29,99 euros, se fait fort de diviser par deux les prix du mobile en France ! Rodomontade ? La perspective fait en tout cas frémir les trois opérateurs installés. Ces derniers se se sont en effet habitués à engranger des marges brutes...très confortables (30 à 40 % !). Et avec l'iPhone et le boom de l'Internet mobile, ils espèrent bien continuer à profiter de la progression constante de l'ARPU - revenu moyen par abonné - qui atteignait 39 euros en 2008 et flirte avec les 45 euros aujourd'hu. L'un des plus élevés d'Europe...





 Pour maintenir son oligopole, la "bande des trois" ne ménage donc pas ses efforts. Et cela semble payant... Le 15 septembre dernier, à la stupeur générale des députés UMP venus déjeuner à l'Elysée, le Chef de l'Etat a subitement affiché son hostilité à l'arrivée d'un "trublion" du mobile : "Je suis sceptique et réservé sur le choix d'un quatrième opérateur. Le prix le plus bas n'est pas forcément le meilleur. Il faut voir la qualité des postulants". Un véritable Scud contre Free, qui était jusque-là le grand favori de la compétition lancée le 1er août. Bouygues, SFR et Orange on bu du petit lait. Mais la sortie présidentielle n'a pas vraiment plu au Premier ministre, partisan avec l'ARCEP (le gendarme des télécoms) d'une vraie baisse des prix du mobile au bénéfice du consommateur. "Libé" nous racontait samedi dernier la pique lancée par François Fillon à Nicolas sarkozy lors d'une rencontre le 17 septembre : "Monsieur le Président, les trois opérateurs dont vous avez parlé, ce sont bien ceux dont vous disiez il y a trois mois qu'ils se gavent ?". Propos non démentis par Matignon...
Fort du soutien élyséen, le lobby anti-Free redouble d'efforts pour mettre des bâtons dans les roues du nouvel entrant. Leur argumentaire bien rodé arrose tous les milieux concernés : décideurs politiques, rédactions parisiennes, associations de consommateurs...
Pour résumer :

1/ Le prix de la licence a été "bradé" à 240 millions d'euros (contre 619 millions payés par chacun des opérateurs en place), c'est le patrimoine de l'Etat que l'on solde. Thèse récemment relayée dans "Les Echos" par le PDG de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, pour le compte de sa filiale SFR. Un peu fallacieux : pour ce prix, le 4ème opérateur n'aura que 5 Mhz de fréquence disponible, soit trois fois moins (15 Mhz chacun) que les trois autres.

2/ Un 4ème opérateur c'est le carnage social assuré : Il y a un an, Martin Bouygues, toujours dans une interview aux "Echos", n'hésitait pas à chiffrer "entre 10.000 et 30.000" les emplois qui seront détruits chez les trois opérateurs mobiles par l'arrivée d'un concurrent qui fera pression sur les prix, donc sur les coûts. En proie à son 24ème suicide en 18 mois, France Télécom reprend aujourd'hui ce refrain sur l'air du "Vous voulez d'autres drames" ? Et l'équipementier en difficulté Alcatel s'inquiète lui-aussi du fait que Free pourrait choisir de commander ses équipements de réseau à un chinois comme Huaweï ou ZTE...

3/ Les prix du mobile sont déjà assez bas en France : les trois opérateurs l'assurent la main sur le coeur, "les prix du mobile en France sont les plus bas d'Europe". Etonnant, car si l'ARPU atteint déjà 45 euros, c'est bien grâce à la jungle tarifaire des forfaits mobile régulièrement dénoncée par les associations de consommateurs. Selon la Commission européenne, l'Hexagone serait ainsi l'un des pays du vieux continent où le mobile est le plus cher juste derrière l'Espagne avec en moyenne un forfait de 30 euros pour 2h et 50 SMS... Et la facture s'envole pour les possesseurs d'iPhone qui utilisent compulsivement l'internet mobile : elle atteindrait 86 euros ! Un record.

4/ "Free va faire le coucou sur le réseau des autres opérateurs" . L'accusation n'est pas neuve. Free a construit son succès dans l'ADSL en s'engouffrant dans la brèche du "dégroupage", la loi obligeant l'opérateur historique à fournir aux opérateurs alternatifs un accès à la boucle locale (les derniers mètres de cuivre allant jusqu'à l'abonné) . En limitant ainsi ses investissements d'infrastructure, le nouvel entrant a pu casser les prix et lancer sa fameuse offre à 29,99 euros. Au grand dam de France Télécom qui dépense des milliards dans l'entretien de ses réseaux. En cas de guerre des prix avec Free, ce dernier craint de ne plus pouvoir maintenir ce niveau d'investissement, sauf à jouer sur la variable sociale... Mais depuis quelques temps, Free assure vouloir construire son propre réseau pour réduire sa dépendance. Et dans le cas de la 4ème licence mobile, le nouvel opérateur aura une obligation de couverture de 25 % du territoire dans les trois ans ce qui reviendra à installer 6000 antennes. Les trois opérateurs en place soupçonnent déjà Free de ne pas vouloir respecter cette obligation et de vouloir venir jouer au "coucou" sur leurs pylônes... L'avenir dira si leurs craintes sont justifiées.

Il n'est certes pas interdit de faire du lobbying dans ce pays. Même quand ce dernier prend la forme d' un véritable "livre blanc" anti-Free destiné aux allées du pouvoir. Après tout, TF1 avait rédigé le sien pour demander - ET obtenir - la suppression de la pub sur France Télévisions du même Nicolas Sarkozy.




Et Xavier Niel, le fondateur de Free, est loin d'être lui-même un enfant de coeur en la matière. Il dispose d'excellents relais dans les médias et dans les milieux politiques. Et s'il se présente comme le "robin des bois" qui va faire baisser les prix du mobile, son groupe est surtout connu pour être le champion du "low-cost" et du service client aux abonnés absents... Mais dans une économie de marché normalement constituée, il y a quelque chose de surprenant à voir trois poids lourds du CAC40 s'échiner à tuer toute concurrence dans l'oeuf. Au détriment encore une fois du consommateur.Le jeu va tellement loin que l'on chercherait aujourd'hui à encourager par tous les moyens une candidature alternative à Free autour du MVNO  Virgin Mobile et du câblo-opérateur Numéricable. Mais comme ces derniers ne sont pas solvables, un troisième larron pourrait être cordialement invité à la fête : le nabab égyptien des télécoms Naguib Sawiris (Orascom) pourtant en bisbille avec France Télécom à propos de Mobinil... Puisqu'on vous le dit : "Tout sauf Free" !
Jean-Christophe Féraud

5 commentaires:

  1. Je rebondirai juste sur la citation :" Le prix le plus bas n'est pas forcément le meilleur. Il faut voir la qualité des postulants "
    J'y ajouterai la "qualité et la richesse de l'offre de contenus et de services". FREE nous a habitué, par sa capacité à devenir un précurseur (Triple-Play, Téléphonie IP dans la box, TV Perso, VOD, ...) et il est certain que son offre mobile, forcément intégrée dans un Quadruple Play sera dans la lignée ... BOX micro-relay 3G, mobilité totale transverse multi-canaux (FO/DSL, 3G, WIMAX, WIFI ...) que sais-je ? ... en plus d'être lisible d'un point de vue "tarifs" !! Les Origami et autres Illimythics ... n'ont qu'à bien se tenir !

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  2. Mouais c'est peut-être un peu optimiste quand même. Free nous a aussi habitué à des problèmes techniques, rupture de service et service clients aux abonnés absents. Mais bon la concurrence contraint tous les opérateurs à s'améliorer et à revoir ses marges à la baisse au bénéfice du consommateur. C'est bien pour cela que la candidature de Free à la quatrième licence mobile est une bonne nouvelle...

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  3. Mouais... je l'accorde, les "freenautes" ont longtemps été pris pour des alpha, bêta testeurs et la hotline un vrai cauchemar !
    Cela c'est sensiblement amélioré quand même depuis 2 ou 3 ans !
    La grande critique que je formulerai, concerne les abonnés des zones non-dégroupées, encore assujettis à du contrôle de flux et/ou des restrictions d'accès sur certains services (news par exemple): Un "IP/ADSL" en a bien moins pour ses 29€99 qu'un dégroupé ... mais il coute aussi beaucoup plus cher à Free !

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  4. Au dela de la technique, du marketing et des gros sous, Free n'aurait il pas un probleme de communication ?

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  5. Renseignements complémentaires chez Free il y a :
    La Freephonie : Possibilité de téléphoner sur les ligne fixe gratuitement avec un portable grâce au Wifi (Hot Spot) et au logiciel "SIP"

    Autres choses ! Prenez un abonnement Internet beaucoup plus cher chez Orange et vous aurez sur Paris et banlieue un très faible débit, particuliers et professionnels compris (testé sur des centaines de cas).
    Chez Free, le débit annoncé est bien réel !

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