mercredi 27 avril 2011

Requiem pour une machine à écrire

"Sur ma Remington portative, j'écris ton nom Laetitia...": sans elle, Serge Gainsbourg n'aurait sans doute pas composé cette chanson. Sans elle, Hemingway n'aurait pas écrit "L'Adieu aux Armes", Georges Orwell "Hommage à la Catalogne", Albert Camus "L'Etranger", Hunter S. Thompson (photo ci-contre) "Fear and Loathing in Las Vegas". Sans elle, Albert Londres n'aurait pas fait fermer le bagne de Cayenne, et le tandem Bob Woodward-Carl Bernstein n'aurait pas fait chuter Nixon avec le Watergate... Cette fois c'en est fini de cette bonne vieille machine à écrire. La meilleure amie des secrétaires d'antan, la maîtresse exigeante des écrivains, la compagne insatiable des journalistes n'est plus.  
C'est le "Daily Mail" britannique qui a publié cette semaine son avis de décès en annonçant la fermeture de Godrej and Boyce, la dernière usine de machines à écrire au monde. Basée à Bombay en Inde, elle en produisait encore 150.000 par an à destination des pays trop pauvres pour offrir des ordinateurs à leurs fonctionnaires... Mais la démocratisation de l'informatique et la révolution numérique triomphante auront finalement eu raison de la vieille dame mécanique qui a tout de même régné plus de 150 ans sur la civilisation de l'écrit.

samedi 16 avril 2011

Salvador Allende, ce héros ordinaire

"Les grandes avenues s'ouvriront"
C'est un authentique héros de mon enfance, un grand homme, un juste, un vrai, dont la mémoire remonte à la surface comme un fantôme digne et bienveillant. En allumant la radio ce matin, j'ai appris que les restes de Salvador Allende allaient être exhumés, trente-huit ans après sa mort lors du coup d'Etat militaire d'Augusto Pinochet. Sa famille, comme celles des 3000 et quelques victimes de la junte chilienne, veut connaître la vérité sur ses dernières heures et les circonstances de sa disparition. 
Travelling arrière, loin, bien loin de l'écume futile de nos jours numériques :  
11 septembre 1973, putsch du général Pinochet. L'armée chilienne  donne l'assaut au Palais de la Moneda pour en finir une fois pour toute avec le premier président socialiste démocratiquement élu, trois ans plus tôt, par le peuple chilien. « El compañero presidente » (le camarade President) avait eu le front de gagner, à la loyale, les élections contre Allessandri, le candidat des grandes familles possédantes. Il avait eu l'audace de lancer un grand programme de nationalisations des ressources minières du pays, le culot de vouloir bloquer les prix et d'augmenter les salaires pour aider les travailleurs chiliens à vivre, l'idée insensée de vouloir lancer une réforme agraire au détriment de grands propriétaires latifundiaires et d'augmenter les impôts des plus riches...bref de chercher une voie chilienne vers le socialisme (« La via chilena al socialismo »), sous l'oeil protecteur du grand-frère cubain. Inacceptable pour la grande bourgeoisie chilienne...et surtout les américains, qui, après le Vietnam, craignaient plus que tout qu'un nouveau domino "communiste" tombe cette fois à leurs portes. 

vendredi 8 avril 2011

N'oublie pas que tu descends d'une longue lignée de chercheurs de vérité

Le 20 février 2005, Hunter Stockton Thompson se tirait une balle de revolver dans la tête, dans son ranch d'Aspen Colorado. Et je m'aperçois aujourd'hui que j'ai manqué cet anniversaire. Je rattrape cet oubli ici et maintenant, en tapant paresseusement ces quelques lignes sur mon clavier. L'inventeur du "gonzo journalisme", le graphomane halluciné de "Hells Angels", "Fear and Loathing in Las Vegas" et "The Great Shark Hunt", avait 67 ans quand il a pris un aller-simple direct to the Sky. 17 de trop pour cet éternel jeune homme Born to be Wild. Pour lui, la vie après 50 ans ne valait pas la peine d'être vécue, avec ou sans Rolex. Et ce siècle si médiocre et terre à terre, sans utopie, sans courage, ni défonce n'était plus le sien. Il avait pris une retraite définitive - du monde et du journalisme - déclarant ne plus rien vouloir produire "dans une nation dirigée par des porcs". Les Etats-Unis de Bush Junior, de Dick Cheney, Fox News et Halliburton qui n'avait plus rien à voir avec l'Amérique rebelle de sa jeunesse, celle de Jack Kerouac, du San Francisco des Sixties et de "Rolling Stone Magazine".
Quand le claquement sec de la détonation retentit, son fils, sa belle-fille et son petit fils se trouvaient dans la pièce à côté. Tous crurent au bruit d'un livre qui tombait et ne vérifièrent que quelques minutes après. Le "Duke" était écroulé sur sa machine à écrire IBM Selectra rouge où il avait simplement tapé la date du 22 février 2005 et le mot "conseiller" (Feb. 22 '05 et Counselor)...Mystère, rien de plus. On retrouva peu après sa lettre d'adieu, tapée sur la même machine, elle disait:

"No More Games. No More Bombs. No More Walking. No More Fun. No More Swimming. 67. That is 17 years past 50. 17 more than I needed or wanted. Boring. I am always bitchy. No Fun for anybody. 67. You are getting Greedy. Act your old age. Relax. This won’t hurt."