vendredi 23 octobre 2009

Bruno Bonnell fomente une "Robolution"


On avait un peu perdu sa trace depuis son départ forcé d'Infogrames-Atari, en avril 2007. Poussé dehors par ses actionnaires américains après la déroute financière du numéro un français jeux vidéos, Bruno Bonnell semblait avoir pris un début de retraite entrepreneuriale et médiatique. Surtout après le drame personnel provoqué par la maladie dégénérative de son fils Balthazar, découverte au même moment. Une cochonnerie rare, au nom imprononçable... Game over le ludo-PDG fétiche des années 90, l'ancien porte-drapeau du jeu video "made in France" ? C'était mal connaître le bonhomme. Deux ans plus tard, le jeune quinquagénaire (51 ans) a pansé ses plaies et s'est trouvé une nouvelle frontière : les robots. Bien plus qu'un dada et un business. Car le papa de Balthazar a fait un rêve : un jour la machine sera au service du confort, des soins et du divertissement des jeunes enfants, des malades, des handicapés, des personnes âgées...
Ce jeudi, dans un restaurant bobo du 11ème, Magic Bonnell is back ! Eternel sourire, crâne impeccablement rasé, portant beau veste noire sur Jean's branché, l'ex-prophète du divertissement interactif n'a rien perdu de son bagou de télévangéliste pour vendre sa foi cybernétique...et accessoirement sa nouvelle entreprise Robopolis. "La prochaine révolution industrielle c'est la robotique. Je suis convaincu que l'intelligence apportée aux objets va provoquer la même rupture technologique, économique et sociétale que l'invention de l'électricité ou l'avénement d'Internet", s'enflamme Bruno Bonnell. Oubliez la convergence numérique, l'engouement pour les énergies vertes...le prochain choc c'est la "Robolution" ! Un néologisme bonnellien qui sera aussi le titre d'un livre à paraître au printemps 2010. Oui, diront ses détracteurs, Bruno Bonnell vendrait du sable au Sahara... Mais notre cyber-gourou y croit dur comme fer à son "Histoire de Robots" (le titre d'un livre du visonnaire Isaac Asimov qui a imaginé les trois lois de la robotique*). Et pour cause, passionné par le sujet depuis l'enfance, il a discrètement racheté en 2006 une boutique parisienne spécialisée dans la distribution de petits robots ménagers dont il a fait sa nouvelle start-up : Robopolis.
Avec son carnet d'adresses transatlantique et son sens commercial inné, le "CrazyFrenchy" comme on l'appelait aux Etats-Unis du temps d'Infogrames a décroché la distribution exclusive pour la France des fameux robots ménagers Roomba et Scooba de la firme américaine iRobot.

Deux drôles de soucoupes rampantes qui aspirent et nettoyent automatiquement sols et parquets en trouvant leur chemin toute seuls par auto-apprentissage de la pièce "à la manière des fourmis suivant leurs phéromones", vante le vendeur. Rien à voir avec un QI de 150 et l'idée anthropomorphiste que l'on se fait d'un robot à la Spielberg. Mais iRobot, qui est cotée au Nasdaq, en a déjà vendu plus de 4 millions pour un chiffre d'affaires total d'1 milliard de dollars depuis le lancement du premier engin aux Etats-Unis en 2002. Et ça cela n'a pas échappé à Bruno Bonnell. Roomba ne paie pas de mine ? "C'est la fonction qui designe le robot et non l'inverse. On se plante totalement si l'on pense que le robot doit impérativement nous ressembler. C'est comme dans la préhistoire de l'aviation quand on a voulu imiter le vol de l'oiseau". De fait, les affaires de Robopolis décollent : 1000 petits robots ménagers vendus en 2007, 4000 en 2008, 20.000 cette année et 40.000 en 2010 promet son PDG pour qui c'est déjà le cadeau de fêtes des mères idéal. Entre 299 et 499 euros l'unité, et avec une distribution dans 700 points de vente (Auchan, Castorama, darty, Surcouf...) le chiffre d'affaires suit : "Nous sommes passés de 1 à 8 millions d'euros de chiffre d'affaires entre 2006 et 2009", s'enthousiasme Bruno Bonnell. Avec 12 salariés, la petite entreprise basée à Villeurbanne ne connaît pas la crise. Et le marché de la robotique personnelle s'annonce très prometteur : selon le cabinet américain ABI Research, il devrait passer de 700 millions de dollars cette année (avec 7 millions de robots vendus) à plus de 18 milliards de dollars en 2015 (avec 80 millions d'unités écoulées). Alors  le cyberentrepreneur lyonnais passe à la vitesse supérieure.



Après iRobot, il a signé un avec Yujin Robots, fabricant coréen du petit iRobi, un robot interactif dédié aux services à la personne, à la surveillance et à l'accompagnement des enfants notamment. Prix : 5000 euros tout de même. Moins cher (2000 euros), le chien-robot Genibo, fabriqué par DasaRobot, importé lui aussi du pays du matin calme : un jouet qui remue la queue, aboie, obéit aux ordres par reconnaissance vocale...jusqu'à danser en musique comme un ninja de dessin animé. Quant au fameux humanoïde, il rejoindra bientôt la gamme Robopolis si la start-up française Aldebaran Robotics, qui a conçu le robot Nao parvient à créer un effet de série. "C'est le plus intelligent des robots grand public jamais conçu, il y a autant de pièces là dedans que dans une voiture", assure Bruno Bonnell.



De fait le petit Nao (60 ccm sous toise) répond à la voix (il faut parler lentement), s'assoit, se lève, salue le public, esquisse lui aussi un pas de danse sur "Billy Jean" de Michael Jackson, peut raconter le début de la Guerre des Etoiles et même jouer au football...quand il ne s'est pas cassé accidentellement la cheville (comme dans notre démo). Problème, il est encore beaucoup, beaucoup trop cher : le prix de sa version la plus évoluée (Academics) atteint tout de même 12.000 euros ! Mais Aldebaran, qui a déjà écoulé 30 robots auprès de riches béta-testeurs, espère commercialiser prochainement une version grand public de Nao dans une fourchette comprise entre 3500 et 5000 euros.



Et  avec l'aide de Robopolis et la bosse du commerce de son patron, Nao pourrait trouver son marché : "C'est un formidable outil ludo-éducatif pour les écoles, les enfants, le 3ème âge", vante Bruno Bonnell qui espère le commercialiser d'ici un an ou deux à un prix plus abordable. Pour lui, c'est sûr : "D'ici 2030 ou 2050, tous les enfants auront leur robot compagnon !". Alors autant prendre une longueur d'avance. Mais pas de folie des grandeurs comme au temps d'Infogrames : Robopolis se contentera de distribuer des robots et de concevoir des logiciels adaptés aux usages ludo-éducatifs. Pas question d'en fabriquer pour le moment. Trop incertain, trop capitalistique..."Le robot grand public de demain qu'il faudra produire en grande série, c'est un travail pour Renault ou Dassault, voire un projet européen type Airbus". En attendant, Bruno Bonnell a décidé de vendre sa "Robolution" aux mass-medias et aux masses tout court. Et avec sa nouvelle foi cybernétique en bandoulière, il reste bien plus convaincant qu'une machine aux gestes maladroits et à l'intelligence artificielle encore très limitée.
Jean-Christophe Féraud



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