mercredi 26 mai 2010

La standardisation de l'info va-t-elle tuer le journalisme ?

Aujourd'hui, le journalisme au long cours - celui qui privilégie l'enquête, le récit et de reportage - a bien du mal à exister et à survivre face à la logique productiviste et au diktat du marketing éditorial qui règnent en maîtres dans les rédactions. Si vous êtes déjà venus sur ce blog, vous savez que j'ai en horreur cette "junk news" que l'on produit et que l'on consomme à flux tendu comme de la malbouffe informationnelle. Comme d'autres confrères qui ont connu l'avant "journalisme Shiva", j'aimerais que la presse redonne un peu de temps au temps, privilégie à nouveau la qualité sur la quantité, qu'elle soigne un peu plus la forme et le fond. Sur internet comme sur le papier. Lisez ou relisez ce billet foutraque sur le gonzo-journalisme, ou bien ce plaidoyer pour le journalisme de récit, ou encore cette charge sauvage contre le robot-journalisme ...vous constaterez que je fais une véritable fixette sur le sujet ;-)
C'est sans doute pourquoi la revue Médias [2] m'a récemment demandé de participer à une émission de Web-TV sur le thème "La standardisation de l'information va-t-elle tuer le journalisme d'auteur ?". J'étais d'autant plus heureux (et flatté) de participer à ce débat animé par Robert Ménard quand j'ai su qui étaient les deux autres invités sur le plateau : Pierre Péan, le grand journaliste-enquêteur que l'on ne présente plus, et Jean-Robert Viallet qui a reçu le Prix Albert-Londres pour son excellente trilogie documentaire "La Mise à mort du travail"... Autant dire que je me suis senti un peu léger face à ces deux stars du journalisme français.Mais bon j'espère ne pas avoir trop dit de bêtises. L'émission est en ligne. Commentaires bienvenus !




"Pour une bonne enquête, seul le temps compte, peu le talent" (Pierre Péan)
"Trois semaines d'enquête? Un luxe" (Jean-Christophe Feraud)
"Un scoop ne se cherche pas, il arrive par hasard" (Pierre Péan)
"On est persuadé que les lecteurs veulent du court, c'est faux" (Jean-Robert Viallet)

8 commentaires:

  1. "Commentaires bienvenus" donc je me lance : très bonne émission qui a pris le temps... d'expliquer la notion de temps dans le journalisme. Résultat, un bon exposé de la situation : la presse papier telle qu'on la connaît n'a plus ni les moyens, ni le temps ni l'envie ou le courage de faire de l'enquête (elle n'a d'ailleurs plus tellement les moyens de faire de l'actu approfondie puisque l'on a fait croire que cela était gratuit).
    L'avenir pour le journalisme d'enquête et de fond est à mon sens dans des publications nouvelles, à la périodicité longue et -malheureusement- sans rédaction. Cette presse devra "agréger" (et oui, comme sur Internet) les travaux de fond de journalistes en les payant correctement au coup par coup. Et les lecteurs choisiront d'acheter la publication selon le contenu de tel ou tel numéro et non en fonction du titre, là aussi comme sur Internet où le lecteur papillonne. On peut même imaginer des publications sans véritable périodicité, qui ne sortiraient qu'une fois accumulés suffisamment de contenus de haute qualité. On se rapproche là davantage du modèle de l'édition, comme l'évoque Péan, ou de sites comme Wikileaks. Mais cela n'empêche pas d'imposer à terme une marque de presse.
    PS : j'ai quand même des réserves sur la toute dernière partie de l'émission, un brin teintée d'optimisme je pense.
    Cdt

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  2. Explique comment l'information serait standardisée avec les outils d'aujourd'hui, et Google qui devrait selon vous financer la presse?

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  3. Voilà bien longtemps, de longs mois, que je n'avais pas passé plus de 20 mn sur la même page, fixé. Merci !

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  4. Excellente émission !

    J'ai retrouvé sur ce plateau toutes les thématiques abordées lors du GIJC 2010 (www.gijc2010.ch )qui s'est tenu à Genève au mois d'avril et que je me suis efforcé de développer sur chacaille ces dernières semaines...

    Parmi les modèles de financement, il a notamment été question de l'investigation comme valeur ajoutée. Des enquêtes et des papiers articulés autour d'un temps plus long permettent à des titres de presse de se démarquer du flux des dépêches et des articles de 1500 signes.

    En Suisse, quelques signes peuvent ça et là redonner un peu espoir. Le quotidien romand Le Temps vient par exemple de nommer un ancien reporter d'investigation, Serge Michel au poste de réd en chef adjoint. De même, la récente nomination de Roger de Weck à la tête de la RTSR (Radio/Télé)laisse penser que le journalisme au long cours n'est pas tout à fait mort.

    D'autres modèles de production d'enquêtes doivent également être expérimentés. Selon Mark Lee Hunter, c'est dans la collaboration entre enquêteurs et ONG que se trouve l'une des planche de salut du journalisme d'investigation. ce journaliste-chercheur en profite, l'air de rien, pour refonder une nouvelle éthique journalistique.

    Le financement d'enquêtes par des fondations qui a été brièvement abordé dans le cadre de cette émission nécessiterait également de plus amples développements. J'ai parfois l'impression qu'il y a d'énormes réticenses du côté français à accepter cette forme de mécénat.

    Voilà en vrac et de façon très brouillonne, ce qui me passe par la tête après vous avoir entendus tous les trois sur Média 2.

    Guillaume

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  5. Salut JC,

    Voilà un débat qui pose des questions brûlantes, comme on aimerait en voir plus souvent.

    J'aimerais revenir sur la question du financement et en particulier le sujet des fondations. Jean-Robert Viallet regrettait l'existence en France de fondations privées à l'américaine, et pour cause : les anglo-saxons ont une fiscalité ultra-intéressante pour qui investit dans ce type de véhicules. M'étonnerait qu'en France on puisse imaginer créer de telles niches fiscales.

    En revanche, il serait tout à fait possible de créer des fondations publiques abondées par l'Etat comme le font les Belges, les Danois, les pays Scandinaves...

    En Belgique, un troisième fonds pour l'investigation vient d'être crée (j'en ai fait un petit écho dans le Télérama de cette semaine). Le principe : l'Etat apporte 250.000 euros, un pool de journalistes indépendants distribue cette somme à une dizaine de candidats en fonction de leurs besoins.
    http://www.fondspourlejournalisme.be/

    Je précise que les sous vont aux journalistes et pas aux éditeurs, et qu'à la différence des bourses de type Lagardère, qui récompensent des travaux déjà publiés, elles financent réellement des dossiers à-priori.

    Pourquoi n'a t-on rien qui ressemble à ça en France? Peut-être parce que nos gouvernements successifs préfèrent subventionner les éditeurs, plutôt que les journalistes? Ca c'était pour ma séquence "mauvais esprit".

    Mais quand même... il faudrait réfléchir un jour à ce paradoxe : nos impôts financent à grand frais des médias qui fabriquent des "trucs" qu'on appelle toujours journaux, mais avec de moins en moins de "journalisme" dedans. Et qui, au passage, appartiennent à des industriels du luxe ou de l'armement qui n'ont aucun intérêt à financer de la bonne vieille investigation. Y'a de quoi rigoler, non?

    Voici une liste (non exhaustive) des fondations (publiques, privées et mixtes) pour le journalisme dans le monde: http://bit.ly/8ZkcCq

    Ciao bello.

    http://bit.ly/8ZkcCq

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  6. La question du financement de l'enquête à travers l'aide de fondation est un modèle intéressant, effectivement. Pour ma part, il ne s'agit pas de savoir si les fonds réunis à cette fin viennent du privé ou du public, mais plutôt de rendre transparent un certain nombre d'éléments listés ci-dessous :

    1. La provenance des fonds -qui trouve-t-on derrière chaque fondation ?-

    2. Les contraintes liées à leur obtention

    3. L'intervention (ou non) des bailleurs de fonds sur les contenus

    4. L'accessibilité de ces informations

    Stephen Engelberg est venu présenter Propublica à Genève, le mois denier (conférence visible sur le streaming du site du Congès : www.gijc.ch). Propublica est financée en grande partie par un couple de milliardaires qui laisse 10 millions annuels dans la cagnotte de la fondation. Les Sandler-puisque c'est leur nom- signent également une charte dans laquelle ils s'engagent à ne pas intervenir sur les contenus du site. On peut se demander ce qu'ils ont à se reprocher pour devoir dépenser ainsi autant d'argent dans une fondation... Quoi qu'il en soit ce modèle n'est pas plus ou pas moins transparent, honnête, et viable qu'un engagement des pouvoirs publics.

    De mon point de vue, le principal problème de ce modèle est qu'il constitue un peu une niche. Il ne permet pas de couvrir l'ensemble du champ de l'investigation. Il faut le coupler à d'autres expériences, d'autres innovations. Des idées ?

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  7. Les journalistes, vous adorez produire des articles pour le plaisir de produire des articles ou bien parler de vous de manière récurrente, en oubliant toujours que vos articles pourraient en plus être utiles et pourraient permettre de changer les choses.

    Lâchez vous un peu là dessus:

    MAM DEHORS qui accorde l'IMPUNITE aux amis.

    - Sarkozy connaît évidemment ce dysfonctionnement majeur auquel Alliot-Marie se refuse de mettre un terme, cette affaire financière impliquant directement Perdriel mais sabotée par un juge d’instruction qui siégeait à la SDL et au conseil de surveillance du Monde, pour préserver un premier rapprochement Monde / Obs, il y a quelques années.

    - Sarkozy connaît évidemment cette impunité renouvelée par Alliot-Marie récemment, pour permettre à Perdriel de prendre les rênes du Monde

    IMPUNITE contre QUOI ou pour financer QUI ?

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  8. Je ne comprends pas le titre de ce billet par rapport à son contenu.

    Les sous-entendus de l'émission ne sont pas trop honnêtes. La disparition des enquêtes longues a peu de choses à voir avec la situation ou la qualité de la presse aujourd'hui. Les enquêtes longues peuvent être intéressantes mais naturellement se destinent aux lecteurs de livres. Les sujets de ces enquêtes ne sortent pas du néant.

    On n'a pas découvert la situation du Monde avec le livre de Péan, ni la situation de certains précaires avec le livre d'Aubenas.

    On comprend bien le traitement de l'information financière dans les Echos sans avoir eu de reportage en profondeur.

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