"Ne hais pas les médias, deviens les médias !"...On doit ce slogan coup de poing à Jello Biaffra, chanteur du défunt groupe punk californien Dead Kennedy's et aujourd'hui imprécateur activiste de son état. Ce "Don't hate the media, become (ou be) the media" reprend aujourd'hui une force insoupçonnée à la lumière de la révolution numérique. Révolution qui, pour le coup, en est une et pas seulement sur le plan technologique ! Car en permettant à l'individu de devenir un média à lui tout seul et de toucher directement un public avec les blogs, Twitter, et les autres outils de partage "social" de l'information, Internet offre surtout une occasion historique aux journalistes de reprendre en main leur destin. De se réapproprier le journalisme. En évitant au possible l'écueil individualiste et narcissique du "personnal branding". Car si la profession rime souvent avec égo, en matière de presse tout naît et tout renaît paradoxalement du collectif.
La machine à normaliser
Depuis le tournant des années 2000, le métier a singulièrement échappé à ses acteurs, à ses auteurs. A tous ceux, du stagiaire au rédacteur en chef, qui font l'information en transformant la matière brute de l'actualité, de l'histoire en train de se faire, en sujets écrits, sonores, audiovisuels, multimédias. En moins de dix ans, la logique comptable, productiviste et purement utilitaire l'a emporté à tous les étages sur la logique journalistique et éditoriale. Les gestionnaires et les hommes du marketing ont pris les commandes et ejecté les hommes de presse de la tour de contrôle au prétexte qu'ils ne savaient pas gérer leur journaux. Ce qui était vrai. Petit problème : eux ils savaient faire des journaux. Et la presse qui était fondamentalement un métier de l'offre est devenu un métier de la demande, collant aux attentes supposées des lecteurs et à leur "temps de cerveau disponible". Désormais, il fallait écrire court, simple, efficace, sans parti pris, pour "son" lecteur (mais qui est le lecteur sinon une image fantasmatique matérialisé par les sondages quanti et les études quali).
Résultat, la presse française qui avait une longue tradition flamboyante de presse d'opinion, de ton, de nerfs et de tripes s'est rendu à l'objectivisme de la presse anglo-saxonne (les faits rien que les faits quoique)...sans en avoir les moyens humains et financiers. Et elle a perdu une partie de son âme, ce qui était inscrit dans son code génétique et était au centre de son vrai contact avec le lecteur : le café du commerce, le pamphlet, le journalisme de récit et de grand reportage longtemps sanctuarisé par Albert Londres, Joseph Kessel et leurs disciples plus contemporains. Comme les Grecs anciens et modernes, les Français sont fondamentalement des méditerranéens avides de débat politique dans la Cité. Et pour débattre, se lancer dans des joutes rhétoriques hier au bistrot ou autour du gigot dominical, aujourdhui sur les sites internet des journaux et les réseaux sociaux, il faut s'informer à gauche, à droite, au centre, avec bonne et mauvaise foi. Il faut un journalisme de faits mais aussi d'humeur. Mais la machine à normaliser l'info s'est mise en route comme un rouleau compresseur dans les grands médias. Et la presse a perdu une bonne part de sa saveur et de son pouvoir d'attraction sur le lecteur.
La "grande catastrophe"
La machine à normaliser
Depuis le tournant des années 2000, le métier a singulièrement échappé à ses acteurs, à ses auteurs. A tous ceux, du stagiaire au rédacteur en chef, qui font l'information en transformant la matière brute de l'actualité, de l'histoire en train de se faire, en sujets écrits, sonores, audiovisuels, multimédias. En moins de dix ans, la logique comptable, productiviste et purement utilitaire l'a emporté à tous les étages sur la logique journalistique et éditoriale. Les gestionnaires et les hommes du marketing ont pris les commandes et ejecté les hommes de presse de la tour de contrôle au prétexte qu'ils ne savaient pas gérer leur journaux. Ce qui était vrai. Petit problème : eux ils savaient faire des journaux. Et la presse qui était fondamentalement un métier de l'offre est devenu un métier de la demande, collant aux attentes supposées des lecteurs et à leur "temps de cerveau disponible". Désormais, il fallait écrire court, simple, efficace, sans parti pris, pour "son" lecteur (mais qui est le lecteur sinon une image fantasmatique matérialisé par les sondages quanti et les études quali).
Résultat, la presse française qui avait une longue tradition flamboyante de presse d'opinion, de ton, de nerfs et de tripes s'est rendu à l'objectivisme de la presse anglo-saxonne (les faits rien que les faits quoique)...sans en avoir les moyens humains et financiers. Et elle a perdu une partie de son âme, ce qui était inscrit dans son code génétique et était au centre de son vrai contact avec le lecteur : le café du commerce, le pamphlet, le journalisme de récit et de grand reportage longtemps sanctuarisé par Albert Londres, Joseph Kessel et leurs disciples plus contemporains. Comme les Grecs anciens et modernes, les Français sont fondamentalement des méditerranéens avides de débat politique dans la Cité. Et pour débattre, se lancer dans des joutes rhétoriques hier au bistrot ou autour du gigot dominical, aujourdhui sur les sites internet des journaux et les réseaux sociaux, il faut s'informer à gauche, à droite, au centre, avec bonne et mauvaise foi. Il faut un journalisme de faits mais aussi d'humeur. Mais la machine à normaliser l'info s'est mise en route comme un rouleau compresseur dans les grands médias. Et la presse a perdu une bonne part de sa saveur et de son pouvoir d'attraction sur le lecteur.
La "grande catastrophe"
Responsable de cette "grande catastrophe" professionnelle et citoyenne, un imparable effet ciseaux paradoxal provoqué précisément par l'accélération des échanges lié à l'avènement de l'ère digitale : d'un côté marchandisation de plus en plus intensive de l'information dans un monde de plus en plus financiarisé, de l'autre effondrement du modèle économique historique de la presse basé sur la vente au numéro et les recettes publicitaires. Autrefois, l'information n'était pas un "produit comme les autres", les journaux n'étaient pas encore des entreprises, informer le citoyen relevait pratiquement d'une mission de service public au même titre que l'éducation. Tout le système construit dans le généreux élan de l'après-guerre - distribution coopérative des journaux permettant au plus petits d'accéder aux kiosques grâce à la quote-part des plus gros, aides publiques à la presse représentant bon an mal an plus d'1 milliard d'euros - l'avait été dans cet esprit. Mais ce bel édifice s'est lézardé, puis littéralement décomposé sous nos yeux (Presstalis, les ex-NMPP, sont en quasi-dépôt de bilan tout comme le fleuron de la presse quotidienne qu'est "Le Monde") quand l'économie réelle, qui est la seule loi qui vaille dans un monde marchand - c'est ainsi - a repris ses droits sur le bien public.
Le Roi est nu
Il a longtemps été de bon ton de tout mettre sur le dos du tout puissant syndicat du Livre CGT, qui a enchaîné les grèves pour défendre coûte que coûte ses emplois et les avantages (salaires supérieurs à ceux des journalistes, horaires bien inférieurs, monopole d'embauche etc...) liés à son statut. Un autisme corporatiste qui a contribué à scier la branche imprimée sur lequel les ouvriers du Livre était assis. Mais aujourd'hui que le roi est nu, que la civilisation du papier est balayée par le Tsunami numérique, que des centaines de titres et des dizaines de milliers d'emplois disparaissent à mesure que le lecteur "digital native" bascule sur les écrans, la presse dans son ensemble doit s'interroger sur sa part de responsabilité. Et les journalistes, qui, il faut l'avouer, se sont laissés vivre pendant des années (il était confortable et parfois souhaitable sur le plan déontologique de ne pas s'intéresser à la manière dont les journaux vivaient et assuraient nos salaires), devraient être en première ligne de cette réflexion auto-critique sur l'évolution de leur métier et de leurs missions vis à vis des lecteurs. Précisément pour réinventer le journalisme de l'ère numérique et ne pas tous finir comme des "Newsosaures". Làs ce n'est pas vraiment le cas aujourd'hui. Difficile de se lancer dans une vaste introspection professionnelle, de réfléchir, d'innover, d'entreprendre, quand on court la pige ou que l'on travaille à flux tendu comme des OS multi-tâches dans des fabriques de l'info (je force un peu le trait car on est toujours mieux en col blanc qu'en col bleu).
Mais les journalistes se réapproprient aussi leur métier en reprenant la parole sur les blogs et sur Twitter jusqu'à devenir totalement addict à ces nouveaux médias qui, en deux clics et beaucoup de travail quand même, les transforment eux même en média. "To be or not to be a tweet journalist" , devenir une "marque" d'information à soit tout seul, telle est la question que je me suis posé et que se posent de plus en plus de confrères.
Personnal branding or not?
En fait le "journaliste-marque" (voir ce bon billet de David Réguer) est à mon sens un fantasme, peut-être plaisant pour certains sur le plan narcissique (finalement ce n'est pas autre chose que le chroniqueur, éditorialiste, billettiste vedette d'hier). Les journalistes auto-starifiés en oublient que sans leur média d'origine qui les a marqué de leur sceau originel ils ne seraient rien. Ils en oublient aussi que "le message est le médium", comme disait ce bon vieux Mac Luhan...en aucun cas le messager. Mais ce fantasme du journaliste-marque est aussi dangereux sur le plan journalistique et philosophique. J'assume ma part de schizophrénie : je tiens ce blog et un fil Twitter qui font peu à peu de ma signature une petite marque...Lancé en septembre 2009, Mon écran radar, monté avec les moyens du bord, affiche en moyenne 6000 visiteurs uniques par mois au compteur. Et mon compte Twitter flirte avec les 1500 abonnés. C'est une expérience fascinante, épuisante et flippante à la fois. Mais que j'espère vivement transformer un jour en expérience collective dans le cadre du journal qui m'emploie, ou ailleurs quand les aléas ou les opportunités de la carrière en décideront ainsi.
Car j'appartiens à une génération qui a grandi dans le collectif des bouclages rock'n roll et un peu arrosé : un journal c'était et ce devrait encore être une équipe, une alchimie d'individus venus d'horizons divers, alliant curiosités multiples et variés, tropisme, points forts et talents très différents. C'est de ce mélange humain aléatoire et improbable que naît une vraie ligne éditoriale. Un ton. Une manière unique de traiter l'information qui font que "Libé" est "Libé", "Le Monde" est "Le Monde" et "Les Echos" sont "Les Echos". Et que le lecteur s'y retrouve, adhère, devient et reste fidèle à son journal hier papier, demain sur tous les écrans. Cette alchimie unique est aujourd'hui en danger. Pour les raisons économiques et managériales évoquées ci-dessus, les journaux deviennent peu à peu des entreprises à produire de l'information et y perdent parfois leur identité en même temps que les journalistes ne savent plus où ils habitent, qui ils sont, pour qui ils écrivent à force de faire du flux plus ou moins markété. Dans des conditions où ils n'ont plus le temps de réfléchir à ce qu'ils font. Où l'enquête, le reportage et l'investigation deviennent l'exception au bénéfice d'une couverture exhaustive mais standardisée et fortement redondante de l'actualité...de plus en plus conformiste et de moins en moins différenciante pour le lecteur.
Les blogueurs à la rescousse
"Don't hate the media, become the media"... Au contraire de certains activistes alter ou ultra des deux bords, je ne hais pas les médias. Je les aime, je les adore, je suis un camé de l'info. J'ai envie de voir renaître la presse écrite tel le Phoenix là où l'on prédit souvent sa mort. Mais cela ne se concevra que par le collectif journalistique et sans doute avec le renfort de blogueurs talentueux et expérimentés qui, sans être nécessairement encartés, apporteront leur vision du monde (et accessoirement leur audience internet) à la brique informationnelle de base, à la colonne vertébrale éditoriale constituée par la rédaction. A condition d'être payés bien sur. A cet égard le "Huffington Post" montre la voie : en cinq ans, le site fondé par la journaliste politique conservatrice Arianna Huffington s'est imposé dans le top 10 des sites d'information américains en misant notamment sur l'agrégation de blogs vedettes, des médias à eux tout seul. En mars, le HuffPost comptait 13 millions de visiteurs uniques (+ 94 % d'une année sur l'autre) selon Nielsen Online. Plus que le "Washington Post" et il menace désormais carrément la "vieille dame grise" qu'est le "New York Times" (16,6 millions) !
Et le lecteur dans tout cela ? Peut-il, doit-il lui aussi devenir un média sans porter une carte de presse ? On a beaucoup glosé sur l'avènement du journalisme participatif associant citoyens, blogueurs et "vrais" journalistes professionnels pour couvrir l'actualité à la manière du site d'origine coréenne OhmyNews ("every citizen is a reporter"), du site d'investigation Wikileaks qui permet à tout à chacun - journaliste ou non - de diffuser des informations sensibles, ou plus près de nous d'Agoravox, de Rue89 ou du Post . Chacun à sa façon - bordélique ou très carrée, réellement participative ou très encadrée - a choisi de permettre au lecteur de devenir un acteur de l'information. Démarche louable et intéressante en cela qu'elle remet aussi le public au centre de la problématique journalistique en forçant les encartés professionnels à se remettre en question.
Le journalisme est un métier
Mais sans corporatisme aucun, le journalisme est un métier qui s'apprend, un peu à l'école mais surtout sur le tas. Encore une fois, tout en ouvrant grand la porte aux lecteurs, blogueurs et citoyens, les journalistes doivent se réapproprier leur métier. En comprendre les ressorts, en cherchant eux aussi de nouvelles formes d'écriture intégrant la technologie, et pourquoi pas eux aussi de nouveaux modèles économiques adaptés à la grande mutation digitale. Et pour moi, encore une fois, cela se fait collectivement en équipe, en bande, en clan, en gang (en "meute" diront certains contempteurs de la profession). Alors devenir un média à moi tout seul, oui peut-être...mais pas tout seul !
Jean-Christophe Féraud
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Le Roi est nu
Il a longtemps été de bon ton de tout mettre sur le dos du tout puissant syndicat du Livre CGT, qui a enchaîné les grèves pour défendre coûte que coûte ses emplois et les avantages (salaires supérieurs à ceux des journalistes, horaires bien inférieurs, monopole d'embauche etc...) liés à son statut. Un autisme corporatiste qui a contribué à scier la branche imprimée sur lequel les ouvriers du Livre était assis. Mais aujourd'hui que le roi est nu, que la civilisation du papier est balayée par le Tsunami numérique, que des centaines de titres et des dizaines de milliers d'emplois disparaissent à mesure que le lecteur "digital native" bascule sur les écrans, la presse dans son ensemble doit s'interroger sur sa part de responsabilité. Et les journalistes, qui, il faut l'avouer, se sont laissés vivre pendant des années (il était confortable et parfois souhaitable sur le plan déontologique de ne pas s'intéresser à la manière dont les journaux vivaient et assuraient nos salaires), devraient être en première ligne de cette réflexion auto-critique sur l'évolution de leur métier et de leurs missions vis à vis des lecteurs. Précisément pour réinventer le journalisme de l'ère numérique et ne pas tous finir comme des "Newsosaures". Làs ce n'est pas vraiment le cas aujourd'hui. Difficile de se lancer dans une vaste introspection professionnelle, de réfléchir, d'innover, d'entreprendre, quand on court la pige ou que l'on travaille à flux tendu comme des OS multi-tâches dans des fabriques de l'info (je force un peu le trait car on est toujours mieux en col blanc qu'en col bleu).
Dans les marges
Alors comme je vous le serine dans la plupart de mes récents billets, le journalisme est peut-être en train de se réinventer dans les marges digitales. Sur les blogs, chez Owni et ailleurs, le plus souvent en dehors des grands médias, on expérimente de nouvelles formes de traitement de l'information et de narration adaptées aux écrans et à l'interactivité : journalisme de récit hypermédia permettant au lecteur de faire son chemin à sa guise dans l'histoire, un peu le reportage dont vous êtes le héros (voir à ce propos cet excellent billet de Nicolas Maronnier) ; journalisme de données ou data-journalism permettant de présenter l'information de manière visuelle et dynamique qui ne se suffit en aucun cas à lui seul (voir mon avis un peu rugueux dans ce post) mais qui donne une nouvelle dimension au traitement de l'actualité; web-documentaire qui permet à l’internaute d'accéder à une mine d’infos complémentaires (données statistiques, cartes, photos, diaporamas…), un genre mis en lumière par le succès de "Prison Valley" sur Arte etc...Mais les journalistes se réapproprient aussi leur métier en reprenant la parole sur les blogs et sur Twitter jusqu'à devenir totalement addict à ces nouveaux médias qui, en deux clics et beaucoup de travail quand même, les transforment eux même en média. "To be or not to be a tweet journalist" , devenir une "marque" d'information à soit tout seul, telle est la question que je me suis posé et que se posent de plus en plus de confrères.
Personnal branding or not?
En fait le "journaliste-marque" (voir ce bon billet de David Réguer) est à mon sens un fantasme, peut-être plaisant pour certains sur le plan narcissique (finalement ce n'est pas autre chose que le chroniqueur, éditorialiste, billettiste vedette d'hier). Les journalistes auto-starifiés en oublient que sans leur média d'origine qui les a marqué de leur sceau originel ils ne seraient rien. Ils en oublient aussi que "le message est le médium", comme disait ce bon vieux Mac Luhan...en aucun cas le messager. Mais ce fantasme du journaliste-marque est aussi dangereux sur le plan journalistique et philosophique. J'assume ma part de schizophrénie : je tiens ce blog et un fil Twitter qui font peu à peu de ma signature une petite marque...Lancé en septembre 2009, Mon écran radar, monté avec les moyens du bord, affiche en moyenne 6000 visiteurs uniques par mois au compteur. Et mon compte Twitter flirte avec les 1500 abonnés. C'est une expérience fascinante, épuisante et flippante à la fois. Mais que j'espère vivement transformer un jour en expérience collective dans le cadre du journal qui m'emploie, ou ailleurs quand les aléas ou les opportunités de la carrière en décideront ainsi.
Car j'appartiens à une génération qui a grandi dans le collectif des bouclages rock'n roll et un peu arrosé : un journal c'était et ce devrait encore être une équipe, une alchimie d'individus venus d'horizons divers, alliant curiosités multiples et variés, tropisme, points forts et talents très différents. C'est de ce mélange humain aléatoire et improbable que naît une vraie ligne éditoriale. Un ton. Une manière unique de traiter l'information qui font que "Libé" est "Libé", "Le Monde" est "Le Monde" et "Les Echos" sont "Les Echos". Et que le lecteur s'y retrouve, adhère, devient et reste fidèle à son journal hier papier, demain sur tous les écrans. Cette alchimie unique est aujourd'hui en danger. Pour les raisons économiques et managériales évoquées ci-dessus, les journaux deviennent peu à peu des entreprises à produire de l'information et y perdent parfois leur identité en même temps que les journalistes ne savent plus où ils habitent, qui ils sont, pour qui ils écrivent à force de faire du flux plus ou moins markété. Dans des conditions où ils n'ont plus le temps de réfléchir à ce qu'ils font. Où l'enquête, le reportage et l'investigation deviennent l'exception au bénéfice d'une couverture exhaustive mais standardisée et fortement redondante de l'actualité...de plus en plus conformiste et de moins en moins différenciante pour le lecteur.
Les blogueurs à la rescousse
"Don't hate the media, become the media"... Au contraire de certains activistes alter ou ultra des deux bords, je ne hais pas les médias. Je les aime, je les adore, je suis un camé de l'info. J'ai envie de voir renaître la presse écrite tel le Phoenix là où l'on prédit souvent sa mort. Mais cela ne se concevra que par le collectif journalistique et sans doute avec le renfort de blogueurs talentueux et expérimentés qui, sans être nécessairement encartés, apporteront leur vision du monde (et accessoirement leur audience internet) à la brique informationnelle de base, à la colonne vertébrale éditoriale constituée par la rédaction. A condition d'être payés bien sur. A cet égard le "Huffington Post" montre la voie : en cinq ans, le site fondé par la journaliste politique conservatrice Arianna Huffington s'est imposé dans le top 10 des sites d'information américains en misant notamment sur l'agrégation de blogs vedettes, des médias à eux tout seul. En mars, le HuffPost comptait 13 millions de visiteurs uniques (+ 94 % d'une année sur l'autre) selon Nielsen Online. Plus que le "Washington Post" et il menace désormais carrément la "vieille dame grise" qu'est le "New York Times" (16,6 millions) !
Et le lecteur dans tout cela ? Peut-il, doit-il lui aussi devenir un média sans porter une carte de presse ? On a beaucoup glosé sur l'avènement du journalisme participatif associant citoyens, blogueurs et "vrais" journalistes professionnels pour couvrir l'actualité à la manière du site d'origine coréenne OhmyNews ("every citizen is a reporter"), du site d'investigation Wikileaks qui permet à tout à chacun - journaliste ou non - de diffuser des informations sensibles, ou plus près de nous d'Agoravox, de Rue89 ou du Post . Chacun à sa façon - bordélique ou très carrée, réellement participative ou très encadrée - a choisi de permettre au lecteur de devenir un acteur de l'information. Démarche louable et intéressante en cela qu'elle remet aussi le public au centre de la problématique journalistique en forçant les encartés professionnels à se remettre en question.
Le journalisme est un métier
Mais sans corporatisme aucun, le journalisme est un métier qui s'apprend, un peu à l'école mais surtout sur le tas. Encore une fois, tout en ouvrant grand la porte aux lecteurs, blogueurs et citoyens, les journalistes doivent se réapproprier leur métier. En comprendre les ressorts, en cherchant eux aussi de nouvelles formes d'écriture intégrant la technologie, et pourquoi pas eux aussi de nouveaux modèles économiques adaptés à la grande mutation digitale. Et pour moi, encore une fois, cela se fait collectivement en équipe, en bande, en clan, en gang (en "meute" diront certains contempteurs de la profession). Alors devenir un média à moi tout seul, oui peut-être...mais pas tout seul !
Jean-Christophe Féraud
Autant j'avais quelques désaccords avec vous sur ce que vous exprimiez dans votre précédent billet, autant je souscris (presque, faut pas exagérer:) totalement à votre analyse. Merci donc pour ce texte et pour les quelques idées en vogue battues en brèches à cette occasion (le personal branding...).
RépondreSupprimerCdt
Merci pour cet article qui retrace bien le portait d'un métier en mutation. Par contre, il y a une chose que je ne comprendrais jamais : c' est pourquoi le journaliste accuse toujours le marketing alors que vous n' êtes pas sans savoir que la presse française est sans aucun doute le lieu ou le marketing n'a aucune place. Et bien au contraire, chacune de ses intervention pour réfléchir avec les journalistes sur pourquoi ça marche pas ( car c' est seulement quand est un titre est va mal que tou d'un coup on appelle le marketing. Et dans le but d' avoir un bon bouc émissaire quand les premiers constats de l' échec viendront remettre en doute la capacité d' un titre a avoir su évoluer pour tus plaire a ses lecteurs. très peu d' homme de press ont une vision mais quand ils en ont une on crie au génie journalistique. Alors que c' est sans aucun doute un homme (ou une femme d'ailleurs) complet avec une vision journalistique, stratégique et marketing.
RépondreSupprimerLe marketing peut être source de valeur (il pense aux lecteurs avant quand beaucoup de journalistes le fantasment ou écrivent pour eux mêmes). Une entreprise de presse qui réussira passera sans doute par la diversification de ses supports, sa qualité et rigueur journaliste mais surtout par un collectif au niveau de l' entreprise et non pas seulement au niveau d'une rédaction.
Ensemble, c'est tout :)
désolée pour les fautes dans le commentaire ci-dessus. un clavier capricieux :)
RépondreSupprimerBonjour,Pour reprendre notre échange sur Twitter et votre propos concernant le Personal branding : "En évitant au possible l'écueil individualiste et narcissique du "personnal branding"
RépondreSupprimerLe Personal Branding est une démarche pour exsuder et faire vivre ce qui nous est propre et unique afin de marquer les esprits. En somme, ce que l'on retiendra de vous à partir des valeurs, des qualités personnelles et de la vision que vous avez de la vie et des choses qui vous interpelle.
Aussi, le PB est une démarche dont les résultats visent à rendre visible votre singularité. Le perception du résultat, le rendu de chaque personne et la manière de l'utiliser sont évidement différentes puisque chaque personne est unique.
Autrement dit, si je porte le collectif en tant que valeur. Cette valeur se transcrira dans ma démarche en Personal Branding.
Ce que vous pointez (à tord ou à raison) ce n'est pas le Personal Branding dans son approche pédagogique mais la personnalité révélée des personnes brandées.
Et toc. Ca c'est c'est du Fadhila dans le texte, et c'est crédible : en effet, le personal branding peut aussi se résumer en un slogan qui vaut le fameux "ne hais pas les médias, sois les médias" : ne fais pas avec, mais plais avec ! Avec tes qualités intrinsèques, ton histoire, tes choix assumés et bien entendu tes compétences propres. Au fond je ne vois aucune raison valable de se passer du web pour se promouvoir soi-même sans filtres intermédiaires (tel cabinet de recrutement) comme je ne vois aucune raison qu'une profession ne retrouve pas son souffle profond (sa vocation) en utilisant les outils numériques, y compris une certaine éthique du "do it yourself", tels que décrits dans cet article : par la notion de gang d'experts, de communautarisme responsable, ou en d'autres termes d'une certaine forme de résistance au nihilisme qui guette toutes les professions intellectuelles.
RépondreSupprimerPour info A.Huffington n'est pas conservatrice, elle etait mariee a Mike Huffington, congressman Republicain - et a ce titre s'est engagée dans sa campagne - mais s'est présentée comme indépendante contre Schwarzeneger en 2003 et a soutenu Kerry en 2004. Le Huffpo est d'inspiration Liberale et ne peut franchement pas être confondu avec un journal conservateur.
RépondreSupprimerAutre chose, je ne pense pas qu'il faille opposer le personal branding au travail collectif d'une redaction ni a sa dynamique et a l'enrichissement intellectuel qu'il procure. Il s'agit simplement de l'expression dans le concret de ce que nous - pigistes - faisons tous les jours a savoir, vendre notre savoir faire. Par ailleurs, le personnal branding concerne essentiellement des individus très implantes sur internet, ce qui représente, hélas, un faible % du nombre total des professionnels.
Merci à tous pour vos réactions. Mais c'est étonnant comme la plupart d'entre vous ne retenez de ce billet que l'aspect personnal branding...
RépondreSupprimerJe voulais surtout parler de l'évolution du journalisme et de sa nécessaire révolution qui ne passe pas, selon moi, par le "personnal", par l'individu, mais par le collectif. Que voulez vous on ne se refait pas, j'ai un certain parcours et des convictions personnelles que je ne renie pas sur l'autel des dernières modes entrepreneuriales.
J'explique aussi que l'information n'est pas qu'un "produit", que les journaux ne sont pas que des "marques" et des entreprises comme les autres...et l'on me répond "branding" ! Argh il y a comme un hiatus culturel très symptomatique de la dépossession du journalisme, ces dernières années, par d'autres métiers à la logique 100 % commerciale (ce qui n'est pas un gros mot). Avec cette crise sans précédent de la presse, je pense aussi que l'on va redécouvrir que le journalisme n'a pas pour vocation première d'être rentable, mais d'informer le citoyen à la manière d'un service public (ce n'est pas un gros mot non plus). Evidemment, il faudra trouver de nouveaux moyens de financer l'information : fondations, mécénat, aides publiques nouvelles et plus intelligentes...autant de pistes qui collent mal avec le trip individualiste. Alors vivement le retour de l'aventure collective, avec le lancement de nouveaux sites d'info, l'adrénaline de l'actu que l'on créé, le lecteur qui répond présent et qui donne son point de vue...
Vite quelques réactions de confrères ! J'ai besoin d'avoir votre sentiment sur le journalisme, votre ressenti sur ce qui se passe aujourd'hui dans les rédactions. Et je me sentirai moins seul face aux fanatiquees du "personnal branding" ;-)
Très bon billet, bravo.
RépondreSupprimerMais prise de conscience arrivant bien trop tard : à part les "cerveaux disponibles pour acheter du Coca-Cola" qui croit encore les médias ?
Et même si, comme tu le dis, les journalistes tentent de se réinventer dans les marges digitales, qui va encore leur faire confiance ?
De compromissions en compromissions, ils ont perdu toute crédibilité. A mes yeux, en tout cas.
Ce n'est pas le débat qui s'amorce autour du "personnal branding" que je retiendrai de ce billet, mais bien les nouvelles formes et nouvelles pratiques journalistiques qui s'y retrouvent esquissées.
RépondreSupprimerFinalement, des projets réunissant tant blogueurs, experts, et journalistes peuvent avantageusement prendre le relais s'une presse d'humeur et d'opinion, non ? Et pas besoin d'un coach afin de développer son PB (pibi)pour participer à ce genre de projet. La porte est grande ouverte.
@J-C Féraud effectivement votre article avait pour intention de parler de l'évolution du métier.
RépondreSupprimerTrès fortement illustré par vos convictions sur le Personal Branding - cité 2 fois de manière très peu élogieuse. C'est effectivement votre avis et il vous appartient de l'exprimer librement. Toutefois, l'une des révolutions que vous n'évoquez pas et celle de l'interaction.
A la différence du "Old School paper" le Web est conversationnel. Vous attaquez , vous avez des réponses. mais à la différence du papier, les personnes qui ont un avis différent ont le même outil que vous pour l'exprimer.
J'ai donc exprimé poliment mon avis et vous expliquant la notion du Personal branding; parce que vous l'opposiez à la notion du "collectif". Ce qui à mon sens était du à une vision erronée et/ou partielle du Personal Branding.
Votre réponse fut de me traiter de Troll et de Gouru ainsi que de faire appel à vos confrères qui à leur tour m'ont baptisé de Bot et de Cougar.
Ouais... une belle entrée en matière dans l'univers de la conversation :-)
Et maintenant vous parlez de "fanatique".
Mais où va -t- on ?
Ce n'est pas parce qu'une personne pense différemment de vous qu'il est un acarien.
Relisez à froid ces quelques notes et vous verrez qu'elles ne peuvent que susciter de la polémique.
Si vous ne souhaitez que de l'expression plate et sans relief alors évitez la polémique...ou alors assumez... avec politesse (cf règle de la Nettiquette, ça peut servir).
Maintenant de dire que le Personal Branding est nuisible à votre métier. Ouah !! savais pas que mon métier qui semble être une petite goutte dans la mer (cf message plus haut de Gerald Holubowicz)pouvait avoir autant de pouvoir sur toute une profession aussi ancienne que la presse.
Ben, je ne comprends pas c'est une petite goutte ou la grande cause des changements ???
ça sent le cafouillage tout cela.
Non, vraiment. Tous les secteurs d'activité sont aujourd'hui bousculés par la révolution numérique (une révolution culturelle de surcroît).
C'est vrai que l'on peut s'atteler à trouver le coupable.
C'est peut être plus écologique de trouver des axes de progression et de chercher sa propre place en défendant ses valeurs.
Des choix de combat ...
Voici les propos que je vous invite à lire pour comprendre pourquoi vous avez eu des messages de la part de pers. qui ont eu l'affront de vous exprimer une opinion différente de la votre:
>>>1/ "Internet offre surtout une occasion historique aux journalistes de reprendre en main leur destin. De se réapproprier le journalisme. En évitant au possible l'écueil individualiste et narcissique du "personnal branding"
>>>2/ Mais les journalistes se réapproprient aussi leur métier en reprenant la parole sur les blogs et sur Twitter jusqu'à devenir totalement addict à ces nouveaux médias qui, en deux clics et beaucoup de travail quand même, les transforment eux même en média. "To be or not to be a tweet journalist" , devenir une "marque" d'information à soit tout seul, telle est la question que je me suis posé et que se posent de plus en plus de confrères.
Personnal branding or not?
En fait le "journaliste-marque" (voir ce bon billet de David Réguer) est à mon sens un fantasme, peut-être plaisant pour certains sur le plan narcissique (finalement ce n'est pas autre chose que le chroniqueur, éditorialiste, billettiste vedette d'hier).
>>> 3/ Sexisme de ma part? N'importe quoi. Notre clash est simplement lié au fait que je juge votre PB bizness nuisible à mon métier
@fbrahimi: Tempête dans un verre d'eau. Illustration de la vacuité des tweet clash. Pardon si je vous ai offensé, nous ne sommes pas d'accord c'est tout, hiatus culturel entre deux logiques marchandes et non-marchandes, communicante et journalistique. Et puis vous m'avez bomnardé de messages sur Twitter, ce qui m'a un peu échauffé. Mais no offense, restons en là. Merci pour votre reponse.
RépondreSupprimerCdt
JCF
J'ai évoqué le personal branding à la fin de mon premier commentaire parce que cette mode m'agace, mais :
RépondreSupprimer1/ ça faisait du bien de lire un avis divergent sur cette question
2/ surtout, plus que de parler du personal branding, je voulais signaler à quel point j'étais d'accord avec votre analyse sur la nécessaire réappropriation collective de ce métier et sur les torts de la profession et du milieu (ces 30 dernières années à peu près selon moi). Idem pour le basculement de métier de l'offre à métier de la demande, même si ce phénomène me parait aussi dû au lecteur (qui bénéficie ces dernières années d'une offre plus large) et pas seulement aux patrons et entreprises de presse.
Reste que, quel que soit le pourquoi du comment, la presse d'actualité quotidienne généraliste traverse une crise qui semble la condamner.
Et au delà des innovations éditoriales offertes par le web (dont on nous rabâche un peu les oreilles), j'aimerais avoir votre avis sur les voies possibles pour assurer un avenir à ce métier. Imaginez-vous des modèles économiques qui permettent à la presse quotidienne d'exister, en avez-vous observé ? Ou faudra-t-il se contenter à l'avenir du travail des agences ? Peut-être en parlerez-vous dans un prochain billet.
Question secondaire : pourquoi datez-vous le basculement évoqué plus haut précisément au début des années 2000 ?
Cdt.
Je précise parce que vous demandiez du ressenti : après 5 ans de print, je travaille depuis 4 ans sur le web. Et si je suis plutôt fier de ce que nous réalisons, nous ne produisons pas une info généraliste mais spécialisée. Fournir un actualité généraliste coûterait bien trop cher pour être rentabilisée.
RépondreSupprimerJ-C Féraud J'accepte vos excuses. Comme vous le dites si bien tempête dans un verre d'eau.Je ne résumerai pas en revanche cette expérience par un hiatus culturel "hiatus culturel entre deux logiques marchandes et non-marchandes, communicante et journalistique". Je ne crois pas à la suprématie d'une profession sur une autre, ni qu'un métier soit la cause des malheurs d'un autre et encore moins que votre profession à une valeur plus grande et plus noble que celle des autres sous prétexte d'une pseudo intention non marchande. Le monde doit s'apprécier à mon sens de manière systémique. Particulièrement en phase de mutation.
RépondreSupprimerLes affirmations réductrices et limitantes "hiatus culturel entre deux logiques marchandes et non-marchandes, communicante et journalistique" et accusatrices "bombardé de messages, etc" sont toutes issues de votre unique perception.
Je ne les prends aucunement pour moi.Je ne pratique pas le blogging et le twitter pour être IN j'y suis depuis 2004 dans ses pratiques et ses fondements philosophiques.
Très bon dimanche et ravie de ce retour d'échange cordial.
Fadhila
Cher collègue anonyme, merci pour ta réaction et ces commentaires sympas.
RépondreSupprimer- Bien vu ta première question pointe du doigt une faiblesse de mon billet qui parle beaucoup plus de la déconstruction du journalisme ces dernières années que de sa reconstruction déjà en cours à la faveur de la révolution numérique. Je dois effectivement travailler à un prochain billet, à un deuxième volet tourné vers l'avenir, la réinvention du journalisme, les modèles intéressants qu' j'ai pu observer etc... Cela demande un peu de travail, mais comme tu n'es pas le premier à me faire cette remarque et à attendre un billet plus constructif, j'y travaille.
- Sur ta deuxième question, je date l'avènement de la grande catastrophe au tournant des années 90-2000 car je suis entré en journalisme il y a plus de 20 ans et j'ai vécu l'avant : jusqu'à la fin des années 90, les journaux étaient encore des journaux constituant un corps collectif où les journalistes impulsaient l'offre éditoriale. Pour moi, tout a basculé avec la financiarisation du secteur, quand la presse a été rattrapée par l'économie "réelle" avec la bulle internet et le début de la révolution numérique. Ces deux phénomènes ont mis en lumière la sous-capitalisation chronique des journaux et leur obsolescence technologique et sociétale face à l'accélération des flux d'information et des modes de consommation :le temps du quotidien notamment a été rendu caduque par le temps de l'internet qui a pour le première fois offert à l'écrit la fluidité et l'interactivité des échanges, la permanence et l'actualisation...Gros problème : sans modèle économique derrière car la culture de la gratuité est indisociablement liée au web. D'où cette crise de la presse sans précédent
Ce grand tournant des années 2000 a surtout mis en lumière à mon avis l'inadaptation des journaux à un monde dicté par le court terme financier : l'information n'est pas un produit comme les autres, elle n'est pas rentable en soi quand elle s'adresse au grand plus nombre et qu'elle répond à un besoin public au même titre que l'éducation. D'où la nécessité de réfléchir et d'expérimenter collectivement de nouveaux modes de financement fondés sur le mécénat citoyen, des fondations (comme ProPublica, Wikileaks etc...), la participation et la demande du lecteur (le lecteur finance l'article, l'enquête, le reportage qu'il a envie de lire). Voilà déjà quelques idées jetées en vrac,j'y consacrerai sans doute un prochain billet.
Bien Cdt, à l'occasion reprenons cette discussion IRL, c'est toujours mieux
JCF
On a tendance à oublier que le journalisme est avant tout un métier de terrain. Et aujourd'hui, pour beaucoup de confrères, et surtout pour les jeunes journalistes, le terrain, c'est l'écran de l'ordinateur. Ils font du desk comme on dit. Alors que d'aucuns dénoncent l'ère du copier-coller, certains programmes de recherche planchent sur des robots journalistes, c'est tout dire sur la perception qu'ont certains du métier de journaliste... Si in-former c'est mettre en forme, le journaliste doit aussi donner à voir, à entendre, à sentir, à comprendre...et pour ce faire, rien de tel que le terrain ! Donner au lecteur à voir, à entendre...à travers le prisme d'un prisme, d'un prisme...c'est un peu comme le téléphone arabe : au bout du compte, ça n'a plus de saveur, on est à côté de la plaque et ça ne veut plus rien dire. Quelle valeur ajoutée vais-je apporter à cette information diffusée par ailleurs ? C'est notamment une des questions que chaque journaliste doit se poser lorsqu'il traite un sujet. S'il n'a rien à apporter, autant ne pas traiter le sujet.
RépondreSupprimerPar ailleurs, on demande aujourd'hui aux journalistes qui travaillent sur le web de savoir réaliser et monter de la vidéo et du son, savoir prendre et retoucher des photo, écrire du texte...On lui demande également de savoir intégrer ces éléments sur un site et faire du personnal branding pour créer du buzz et générer du trafic. Et certains pensent qu'un journaliste doit aussi savoir faire du code ! Je ne suis pas contre cette tendance à savoir tout faire, au contraire. Je crois simplement qu'on ne peut pas tous savoir bien faire et que cette tendance a des effets sur la qualité de l'information. Je suis pour la pluridisciplinarité et le décloisonnement. C'est ce que je fais et ça me plait. Par contre, regardez une vidéo réalisée par une équipe qui comprend un cadreur professionnel, un preneur de son dont c'est le métier, un monteur dont c'est le métier, et un journaliste que se concentre sur le fond, sur ses questions, uniquement, et vous verrez la différence ! Oui, le journalisme est une expérience collective. Oui, il faut se réapproprier le métier et être capable d'inventer des nouvelles formes d'écriture, de collaboration et de participation. Mais pas n'importe comment, pas à n'importe quel prix, et surtout pas au détriment de la qualité de l'information.
Olivier Malaponti
Je suis globalement d'accord, aussi bien avec les analyses que les commentaires en réponse que tu apportes. Mais n'oublions pas que la presse a souffert aussi de la crise économique depuis la fin des années 80. Je me rappelle un reportage dans une entreprise en redressement judiciaire. "Quand on perd son salaire ou que celui-ci baisse, on fait des choix: le journal n'est pas prioritaire", me disaient des ouvrières du textile.
RépondreSupprimerEn perdant cette habitude d'acheter la presse, les lecteurs ont mis l'économie des journaux dans l'embarras - quand en plus dans le même temps, personne ne fallait ce qu'il fallait pour se renouveler, vivant sur l'acquis.
D'autre part, les "familles" de la presse, celles qui savaient faire un journal, sont arrivées au bout de leur vie "entrepreneuriale". J'ai travaillé dans deux journaux où la troisième génération, depuis le fondateur, n'a pas su gérer l'entreprise de presse. Ils ont laissé la porte ouverte à d'autres propriétaires. Du temps là aussi a été perdu pour remettre d'aplomb des situations financières. Internet et la gratuité des médias sont venus s'ajouter à cela mais je crois qu'il y avait des causes qui étaient plus profondes. Personne n'a su les identifier avant qu'il ne soit trop tard.
je regarde les médias sur morandini dans direct 8 et je trouve qu'il ne reflète que la bêtise humaine.Alors pourquoi autant de diffusion si l'homme ne peut se contrôler de faire l'erreur.
RépondreSupprimerNe ne pouvons vivre dans le faux et il faut que cela soit appuyer par des infos complémentaires qui parent cette tromperie.
Cher JC,
RépondreSupprimerPour le coup, je vs trouve un peu naïf. Be the media, d'accord, mais pour qui. Deux pelés et trois tondus sur un blog ?
Réfléchissez plutôt à l'importance du laisser-faire sur internet (votre liberté de ton par exemple qui contraste avec l'orthodoxie de vos articles ds les Echos) comme soupape et comme obstacle à une révolution interne à l'intérieur des médias.
Par ailleurs, je trouve votre condamnation sommaire d'Indymedia un peu ridicule qd on connaît le travail remarquable de ce site.
Je trouve votre analyse très intéressante ainsi que votre appel au collectif. Mais pour quoi ? Sauver le passé ou construire l'avenir ? C'est pas clair !... c'est pas grave mais ça vous aiderait de le clarifier...
RépondreSupprimerJe regrette que vous parliez de Personal Branding, une démarche que vous ne connaissez visiblement qu'à travers une traduction simpliste de l'anglais. Le PB n'est ni un obstacle, ni un levier pour votre projet : c'est autre chose, c'est hors sujet dans votre article.
Je vous invite à lire le livre de Gilles Noblet, un ancien journaliste qui a publié un livre sur le sujet aux éditions CFPJ (ça c'est une marque !) :
http://www.reputation.axiopole.info/2010/07/14/vision-gilles-noblet-personal-branding/
Cela dit, il est vrai qu'il y a dans les experts et les fans du Personal Branding des personnes qui souffrent de graves troubles de la personnalité ! Attention...peut-être que j'en fais partie ;-)
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RépondreSupprimerVous parlez de "journaliste marque", je dirais "journaliste entrepreneur", il peut commencer seul avec son expérience, presse écrite, tv ou radio, puis ensuite créer une marque, un style, qu'il partagera avec d'autres. Internet donne cette liberté de créer. Si j'avais attendu qu'un Rédacteur en Chef de la Télévision s'intéresse à l'économie et aux entreprises en général, j'aurais vécu de désespoirs en déceptions. Internet m'a donné la foi comme dirait l'autre, la foi que l'on peut avec une certaine dose d'inconscience et de courage, créer, partager, faire connaître un media, j'ai à ce stade déjà en tête l'équipe avec laquelle j'aimerais travailler, mais chaque chose en son temps. J'ai envie de dire aux jeunes journalistes : moi de mon temps, y avait pas internet, y avait pas le câble, la TNT, le mobile, j'écrivais pour des gens que je ne connaissais pas, parfois ils m'appelaient, ils étaient souvent vieux. Avec tous les outils d'aujourd'hui, inventons un autre journaliste, sans doute plus compliqué car avec beaucoup de techniques à maîtriser, mais sans regarder dans le rétroviseur, en gardant les principes de bases du journalisme : rigueur, curiosité, honnêteté.
RépondreSupprimerLe media que j'ai créé, il m'aurait été impossible de le créer sans internet. www.labourseetlavie.com pas loin de 500 vidéos/interviews. Ma devise préférée : le journaliste doit avoir de la réalité dont il parle, une connaissance beaucoup plus large que ce qu'il en dit. Bravo pour cet écran radar en attendant :)