lundi 8 mars 2010

« L’objectif de Google n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente »

Surprise ! Mon Ecran Radar s'ouvre à des contributions extérieures. Promis, juré, craché c'est bien plus l'envie d'offrir un espace Freestyle à d'autres journalistes/bloggeurs/Xperts qui motive cette décision qu'un mauvais prétexte pour ne pas vous livrer mon post hebdomadaire (Il arrive ce billet, il faut juste que je trouve le temps...et le bon sujet ;-) On commence donc ce nouvel exercice "open source" avec ma consoeur Solveig Godeluck, grande spécialiste de l'internet et des télécoms, qui signe ci-dessous une interview passionnante de Renaud Chareyre auteur de "Google Spleen", chez Interactive Labs. Cet essai sans concessions s'emploie à démonter la légende "Don't be Evil" servie par Google pour mettre à jour le véritable objet de LA FIRME : le Business avec un grand B...avec en prime le risque d'un super-monopole "digne d'une économie planifiée".

INTERVIEWRenaud Chareyre, auteur de 
« Google Spleen. La tentation de la désinformation »

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre très critique sur Google  ? 
J’ai créé il y a quelques années Woxxo, un site de mise en relation de prestataires pour des projets dans le domaine d’Internet, de l’informatique et de la communication. A partir de 2003, nous sommes devenus un gros consommateur d’Adwords, la régie publicitaire en ligne de Google. Pour mémoire, Adwords permet aux annonceurs de faire apparaître leur adresse Web en regard des résultats d’une recherche effectuée avec le moteur Google  : ce sont les fameux « liens sponsorisés », destinés à mieux cibler la publicité.  Au début, nous avons bénéficié d’un fort retour sur investissement. Le taux de conversion, c’est-à-dire le nombre d’internautes qui après avoir cliqué sur notre annonce décidaient d’utiliser notre service, était très élevé.  Puis à partir de 2005, l’efficacité commerciale de notre campagne sur Adwords s’est franchement dégradée. Nous avons essayé de comprendre ce qui se passait. Conclusion  : en toutes circonstances, c’est Google qui décide d’afficher ou non vos annonces, selon ses propres critères qui n’ont rien à voir avec ceux de ses clients.

Mais qu’est-ce qui vous permet de tirer de telles conclusions  ?  
Alors que le marché de la mise en relation était en forte croissance, nos volumes baissaient. Nos statistiques étaient de plus en plus incohérentes : en 2003 nous avions une conversion par heure, en 2007 nous en avions deux par jour, quelles que soient nos actions marketing, le prix payé, le nombre de mots-clés achetés. Cela pouvait être une à 16h47, et l’autre à 16h48... puis plus rien de la journée. Autre bizarrerie  : les demandes déposées par les visiteurs issus d’Adwords n’émanaient quasiment plus que d’étudiants et de particuliers, au détriment des grands comptes et des PME. En fait, Google a peu d’intérêt à maintenir en haut de classement un annonceur capable d’apporter une solution immédiate au besoin de l’utilisateur. C’est logique, puisque son profit dépend du nombre de clics que va effectuer l’internaute avant d’identifier la réponse à ses attentes et donc d’interrompre sa session. La plupart des gens ignorent que l’objectif de Google, dont le chiffre d’affaires dépend à 95 % de la publicité, n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente, mais de conduire l’internaute à multiplier les clics publicitaires.

Avec Adwords, les entreprises paient pour bénéficier d’un bon placement publicitaire. Elles 

savent donc à quoi s’attendre  ! 
Pas du tout. Google a mis en place un système d’enchères pour acheter des mots-clés. En principe, plus vous paierez cher, plus vous serez visible. Mais personne ne connaît le prix payé par ses concurrents.  Et le fait d’être le mieux-disant ne garantit de toute façon ni le meilleur emplacement, ni l’affichage. Car selon le contrat qui s’applique aux clients Adwords, Google se réserve toutes les marges de manoeuvre pour organiser le « ciblage » des annonces publicitaires, et donc la répartition de son audience entre les sites. Google se doit de donner de la satisfaction à chacun de ses annonceurs, en leur faisant trouver des prospects, et cela quelle que soit la qualité de leurs propositions. D’où la mise en place d’un microciblage des liens sponsorisés, que Google décide d’afficher, ou pas, sur l’écran de chaque internaute. Les résultats de recherche sont affinés en fonction d’une analyse comportementale à l’échelle de chaque utilisateurs. En donnant des gages à tout le monde, ce système est conçu pour induire une montée générale des mises sur Adwords. A mes yeux, il est loin de favoriser la compétitivité. Il est même digne d’une économie planifiée  ! 

Avez-vous tenté d’aller voir la concurrence  ?
Bien sûr. J’ai testé Yahoo et Microsoft, mais j’ai observé les mêmes dérives. Sur certains mots-clés, Microsoft me recommande d’enchérir à 25 euros par clic  : cela devient absurde !

Redoutez-vous l’expansionnisme de Google, qui construit des téléphones, opère des réseaux, crée son navigateur, etc.  ? 
Google Earth, Google News... Beaucoup d’outils Google sont très séduisants. Le problème, c’est que ces programmes ingénieux sont financés par Adwords.  Or c’est un système fondé sur l’annulation des facteurs de compétitivité des opérateurs. La stratégie de Google consiste à multiplier les projets qui font rêver afin de détourner l’attention de sujets que met en danger le fonctionnement d’Adwords  : la juste rémunération de la compétitivité, le jeu de la concurrence, le respect de la vie privée.

Pourquoi Google menace-t-il de se retirer de Chine ? 
Je suis prudent car je ne connais pas le fonds de l’affaire. Mais je constate que le business de Google consiste à contrôler et à organiser l’information sur Internet à des fins publicitaires. Dans un pays comme la Chine, avec un vrai historique de régulation de l’information, Google travaille sur le même terrain que le gouvernement. Pas sûr que les deux démarches soient compatibles. Le piratage des boîtes Gmail n’était qu’un prétexte à mon sens.  Et la défense de la liberté d’opinion a bon dos  : tout de même, Google n’a pas attendu quatre ans en Chine avant de se poser la question des droits de l’Homme !

Propos recueillis par
Solveig Godeluck

10 commentaires:

  1. mouais, quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage et dans le cas précis, on croit que la pub Google est l'arme absolue. Il faudrait aussi se pencher sur le contenu de son site, les tarifs proposés et se remettre d'abord en question. Le monde change et très vite et la martingale d'un jour n'est pas celle du lendemain

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  2. Si il s'étonne juste que moins de monde se convertissait à son service alors que le domaine était en croissance, je peux lui fournir des hangars entiers de raisons pour ça.
    Le gars ne fait plus de pognon avec sa boite alors il veut se renflouer en surfant sur la bêtise générale à l'encontre de Google.

    Ceci dit le plus navrant c'est le manque de sens critique du journaliste "J-C FÉRAUD", j'ai pas d'avis, je contre argumente pas.

    Clap clap clap

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  3. Manque de sens critique ? Ce n'est pas le sujet ici...entre deux billets perso, je publie des contributions extérieures qui me paraissent intéressantes et susceptibles de faire débat.
    Bingo ! Il s'agit donc d'une interview d'un auteur ayant un avis sur Google que vous ne partagez manifestement pas. C'est votre droit le plus strict, comme c'est celui de Renaud Chareyre d'exprimer son point de vue...Cela s'appelle la liberté d'expression.
    Et pour ce qui est du pognon comme vous dites, ce n'est quand même pas un Scoop de constater que le but premier d'une entreprise cotée au Nasdaq comme Google c'est le profit avant le bien-être de l'humanité ! Désolé d'avoir égratigné la gentille icône de la Silicon Valley. D'autant que je reconnais volontiers que Google (que je suis en tant que journaliste depuis ses débuts en 1998), a énormément apporté aux utilisateurs d'internet (voir mes billets précédents sur le sujet).
    Cordialement
    JCF

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  4. Pour écrire le contenu de ce post monsieur Chareyre pouvait le faire lui même en utilisent Facebook ; Twitter ; GBuzz... Quant je vais sur un site tenu par un journaliste je ne m'attends pas à trouver du publirédactionnel, à notre époque sur un blog j'attends une analyse, une critique, un avis.

    Appart dire qu'il y a un livre surfant sur la vague du moment, il n'y a aucune info. Poser des questions ! Le mec accuse Google de vouloir multiplier artificiellement le nombre de clics nécessaires sur des liens adwords pour obtenir satisfaction. Très bien, très intéressant ! Les arguments. « Alors que le marché de la mise en relation était en forte croissance, nos volumes baissaient »

    OK question suivante.

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  5. Bonjour

    C'est super de se rendre compte en 2010 que Google affiche les publicités les plus efficaces et pas forcément les plus chères; C'est ce système qui a coûté cher à Yahoo il y a trois ans qui n'avait pas ce système de pertinence pendant des années. C'est un débat dépassé de longue date; Ce monsieur devrait mieux rédiger ces AdWords et vous mieux connaître Internet...

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  6. Google a decidemment son Fan Club ici ! Ce serait amusant de se livrer au meme exercice avec Apple...je suis sûr que ses supporters seraient aussi énamourés et encore + vindicatifs en cas de crime de lése Majesté High-Tech... Je vais y penser: quelqu'un connaît un bon détracteur de la Pomme à interviewer ? ;)

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  7. j'aime bien l'argument simpliste "e n'est quand même pas un Scoop de constater que le but premier d'une entreprise cotée au Nasdaq comme Google c'est le profit avant le bien-être de l'humanité !". Et la conclusion est "ils tirent donc le max de pognon". Raisonnement de petit épicier qui ne comprend pas que les énormes gains ne se font pas sur le prix mais sur le volume. Et le volume s'obtient par la satisfaction du client qui reviendra plutôt que de lui prendre le maximum de fric une seule fois. Donc être coté au Nasdaq ne veut surtout pas dire faire du One Shot, bien au contraire. Et le concepteur du site doit penser à l'identique: satisfaire ses lecteurs/consommateurs pour qu'ils reviennent d'eux même et ne pas doper artificiellement sa fréquentation avec de la pub

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  8. Ayant lu le livre de Renaud Chareyre, je dois dire qu'il amène à se poser de très nombreuses questions sur le fonctionnement d'Adwords.

    Mais au delà de cette reflexion, je suis assez surpris des réactions rencontrées dans les commentaires.

    Google se définit lui même avant tout comme une régie publicitaire. Eric Schmidt ou Andy Rubin ne s'en cachent pas.
    http://blog.axe-net.fr/img/ggpub.jpg

    Je suis bien évidemment d'accord sur le fait que la pertinence des résultats est un enjeu très important pour Google, mais sans doute pas à n'importe quel prix, et surtout pas à celui de la réduction du profit.

    La reflexion de monsieur "anonyme" m'étonne aussi. Nombre de sites n'ont absolument pas besoin de faire "revenir" l'internaute. A titre d'exemple, dans l'univers très concurrencé du rachat de crédit, le seul objectif est de transformer de suite (formulaire) pour "pêcher" le client potentiel. Toute la suite du processus se déroule par téléphone. Dans ce cas et dans bien d'autres, la fidélisation de l'internaute n'a aucune importance.

    Je rejoins JC-Feraud qui constate que l'ambition de Google est tout de même avant tout de faire de l'argent. D'ailleurs, je ne m'en offusque pas du tout. c'est une entreprise privée et il est normal que cela soit sa raison d'être.

    Je suis souvent amusé de constaté que les plus grands défenseurs de Google sont ceux qui tapaient sur Microsoft.
    Les agissements de Google (voir nombreux procès en cours pour abus de position dominante, non respect du droit d'auteurs, etc.) ne me semble pourtant pas très différents de ceux de MS.
    Bien sur, Google l'a joué bien plus finement en nous offrant des dizaines de services gratuits. C'est pratique et cela amadoue bien les foules. Mais il faut bien rappeler que ces services n'ont rien de gratuits, ils ne sont qu'un échange contre des informations personnelles que chacun accepte de donner en validant des conditions d'utilisation sans les lire.

    D'ailleurs, les conditions d'Adwords sont assez surprenantes lorsque vous les lisez en détail puisque Google ne s'engage à rien concernant la pertinence du positionnement des annonces adwords.

    Cela dit, je trouve que Google a fait très fort et je les admire pour cela. L'entreprise me rend bien service tous les jours, mais j'ai bien conscience que ce n'est pas gratuit.

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  9. La même chose sur Apple ? Ah non, là faut pas plaisanter... Une société géniale qui a inventé les concepts et ergonomies du monde moderne ne peut être qu'une exception élitique de l'élégance industrielle mariée à une spiritualité extatique :D

    Bon, sans rire (encore que), le pont de vue de Renaud Chareyre est intéressant mais manque d'arguments percutants et d'outils d'évaluation des dires...
    Mais je me doute que l'accès aux "moulinettes" de Google (et consorts) est aussi ardu que celui de la recette du Coco Cola.

    Pourtant, si nous reprenons Apple, malgré le génie de l'intégration de multitudes de briques adéquates lors de chacune de ses étapes depuis le retour de Steve Jobs, son pillage du Xerox Palo Alto est une chose démontrable, le faible nombre d'innovations incluses à chaque avancée est prouvable, ce qui montre que si ici toutes les facettes peuvent être mise peu ou prou à jour, là (Google), c'est plus dur !

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  10. c'est probablement très vrai, mais finalement c'est juste un rappel (tout à fait salutaire et circonstancié) que google, comme toute entreprise, ne vise que ses propres intérêts.

    Le remède à cela est connu depuis longtemps : la concurrence (la vraie).
    C'est clair qu'un monopole dans le secteur privé c'est l'horreur.
    Il faut odnc des bings, des exaleads des ask des wolfram alpha etc. etc.

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