Bad, bad news pour le gratin de la profession réuni en ce moment même dans un palace d'Hyderabad, en Inde, pour le 62ème Congrès mondial des journaux... Pas plus que Google, Microsoft n'a l'intention de sortir le moindre dollar pour rémunérer la presse en échange des dizaines de milliers d'articles mis en ligne tous les jours sur Internet. Steve Ballmer, le grand patron du géant logiciel, l'a fait savoir par la voix d'un ses lieutenants, rapporte ce jeudi 3 décembre, le site internet du "Financial Times" : Satya Nadella, vice-président de Microsoft en charge des services en ligne, a indiqué au correspondant à San Francisco du quotidien britannique que Bing ne cherchait pas spécialement à "sécuriser" des contenus face à Google moyennant finances. Bref, content des résultats de son moteur flambant neuf - qui pèse pour près de 10 % du marché de la recherche internet aux Etats-Unis six mois à peine après son lancement - Microsoft n'a pas envie de faire l'aumône à tous ces mendiants de l'ère Gutenberg que sont devenus les journaux imprimés.Dommage pour les patrons de presse des cinq continents qui regardaient avec espoir les négociations engagées il y a quelques jours par Rupert Murdoch avec Microsoft en vue d'obtenir une juste rétribution pour les milliers d'articles mis en ligne quotidiennement par ses journaux sur Internet.
Porte-étendard de leur croisade anti-Google, le tout puissant patron de l'empire News Corp (Wall Street Journal, The Times, The Sun...) menace de retirer tous ses contenus du fameux moteur de recherche qu'il n'hésite pas à traiter de "kleptomane" : en indexant systématiquement tous les articles sur Google News, "ces gens là volent nos histoires car ils se servent sans payer", tonne Citizen Murdoch. D'où ce coup de bluff : proposer à Microsoft de réserver à son nouveau moteur de recherche Bing l'exclusivité de ses journaux en ligne, moyennant une part du gâteau publicitaire générées par les dizaines de millions d'internautes avides de "news". Well done...Vu la puissance de Murdoch - sans doute le dernier magnat de la presse "old school" - les journaux du monde entier s'étaient mis à prier pour que Microsoft tope là, même si le milliardaire australo-américain roule avant tout pour lui. Enfin l'espoir d'un business modèle viable sur Internet !
Mais Patatra, adieu veaux, vaches, cochons...Murdoch et ses collègues peuvent déchanter : a priori ni Microsoft ni Google ne paieront pour donner à lire leurs journaux sur le Net. Car pour les deux géants américains, la vieille presse devrait s'estimer heureuse de toucher des centaines de millions de lecteurs en ligne par leur biais...A elle de monétiser cette fabuleuse audience comme une grande. D'ailleurs dans sa grande générosité, Google propose de rendre inaccessible un article après cinq consultations dans la journée de manière à ce que l'internaute sorte sa carte bleue à la sixième ? La belle affaire... Quand on a fait sa revue de presse une fois, en général c'est bon pour la journée. Google offre aussi des moyens de micro-paiement aux éditeurs qui souhaitent faire payer leurs contenus accessibles depuis Google News ? Mais comment faire payer toute une génération "digital native" qui s'est convertie massivement à la culture de la gratuité ? Les gens, nos lecteurs, sont généralement totalement inconscients du fait que le journalisme de qualité et la valeur ajoutée dans l'info (scoops, investigation, stories, reportages...) coûte cher, bien plus cher à produire qu'une dépêche bâtonnée en dix minutes par un forçat de l'info scotché à son PC.
Dans ces conditions, on souhaite bien du courage aux grands quotidiens français, qui comme le révèlait "Les Echos" de ce jeudi 3 décembre (archives payantes ;-), ont décidé de faire front commun pour demander à Google un petit pourcentage sur ses fabuleuses recettes publicitaires : cette année, le moteur de recherche ultra-dominant (65 % de part de marché aux USA, 90 % en France) devrait engranger près de 900 millions d'euros dans l'hexagone grâce à ses fameux liens sponsoriés et autres "Ad words"...c'est plus que le chiffre affaires de tous les quotidiens nationaux réunis qui a reculé de 3,5% en 2008, à 817 millions d'euros selon la DDM. La grande presse, ou ce qu'il en reste, peut bien essayer de frapper à la porte de Microsoft (rendez-vous est pris parait-il), qui écoutera sans doute poliment. Mais le géant de l'informatique devrait lui aussi se limiter à quelques "gestes" caritatifs.
Bref, on espère que nos chers patrons et confrères qui ont enchaîné les colloques sur l'avenir de la presse et les stratégies payantes sur Internet reviendront d'Hyderabad avec quelques idées neuves...à défaut de la pierre philosophale qui transformerait enfin le plomb du papier en or numérique !
Jean-Christophe Féraud
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Oui malheureusement, et c'est bien les doutes que j'émettais dans le commentaire de votre précédent billet sur le sujet... Microsoft ne veut pas mettre le doigt dans un engrenage dispendieux qui consisterait à financer l'ensemble de la presse mondiale.
RépondreSupprimerOui effectivement mon billet précédent était un peu optimisme...mais il reflétait l'espoir de la presse de trouver un business-model juste et équitable sur le Net. Engrenage dispendieux ? Microsoft c'est tout de même plus de 10 milliards de dollars de profits par an ! Google engrangera 4 ou 5 milliards cette année. Quand même ils pourraient partager un tout petit peu le gâteau publicitaire dès lors que la presse leur apporte du traffic monétisable auprès des annonceurs...
RépondreSupprimerL'enjeu c'est juste la survie d'une presse de qualité avec de vraies infos et de beaux reportages dedans. Sinon l'avenir c'est de la "junk news", du bâtonnage de dépêches à l'infini, l'uniformisation de l'information :-(
Dispendieux selon le point de vue de Ballmer... Evidemment que la presse de qualité est chère et DOIT continuer à exister. Mais est-ce à MS ou à Google de la financer? Selon quel critère? Et si demain le WSJ publie un article sur -je dis n'importe quoi- les magouilles de Google ou les frasques de Bill Gates, qui empêchera Google et MS de rompre les contrats? A la limite une taxe sur les FAI me semblerait plus juste. Mais là encore qui devront financer les FAI? La presse, la musique, le cinéma, l'édition? Dans un monde idéal, les éditeurs devraient réussir eux-mêmes à monétiser leur audience. Et je veux bien croire encore que ce "monde idéal" n'est pas qu'une chimère.
RépondreSupprimerOuf !! De quoi on aurait eu l'air là ? Financés par Microsoft pour échapper à Google ? Déjà qu'entre LVMH, Bolloré, Dassault,... on peut s'interroger... La presse vaut mieux que ça, y compris sur internet. Elle peut trouver ses modèles, surtout si le moindre de ses bénéfices ne sert pas à financer le papier. Il y a de la place pour un modèle mixte pub-vente de contenus, avec des contenus originaux, différenciés, de qualité, pas écrits pour Google justement mais pour les lecteurs, ouverts aux lecteurs, ... La presse digitale doit accepter le pari de l'indépendance,y compris vis-à-vis de Google ou de Bing, de la confiance dans l'intelligence de ses lecteurs, de l'originalité, loin des reprises de dépêches, en clair, être innovante et intelligente... On essaie ?
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