mardi 24 novembre 2009

Et si Microsoft était plus "gentil" que Google avec la presse ?


"Don't be evil" : bien qu'étant devenue une "World Company" digne du commandant Sylvestre, la firme Google persiste à vouloir nous faire croire qu'elle est foncièrement "gentille"... La société californienne a inauguré sa fameuse devise lors de son introduction en Bourse à Wall Street en 2004, en envoyant un message subliminal à ses millions de fans énamourés : "Google c'est l'empire du Bien contre Microsoft l'empire du Mal" ! Or, par un formidable retournement symbolique, le géant de l'Internet est aujourd'hui en passe de devenir le grand méchant loup, en lieu et place du géant du logiciel qui, de son côté, en deviendrait presque sympathique. Aux yeux de la presse et des journalistes, notamment.

Prenez cette histoire de "deal" internet en cours entre Microsoft et News Corp : si les négociations révélées ce week-end par la presse anglo-saxonne aboutissent, le numéro un mondial de l'informatique payera une redevance au groupe du magnat Rupert Murdoch pour avoir le droit d'indexer le contenu de ses journaux sur son moteur de recherche Bing. En contre-partie, News Corp interdirait carrément à Google de mettre en ligne les articles produits par ses quotidiens comme le "Wall Street Journal", le "Times" ou encore le "Sun"... Cela ressemble fort à une sainte-alliance anti-Google entre deux mauvais perdants qui s'inquiètent de la domination, presque sans partage, qu'exerce la star des moteurs de recherche sur le trafic Internet et le marché de la publicité en ligne. Et l'on pourrait se dire : quel intérêt à fuir Google pour se jeter dans les bras de Microsoft ?

A priori, c'est ce qui s'appelle tomber de Charybde en Scylla. Mais si cet accord inédit voit le jour, c'est peut-être un formidable espoir qui se dessine pour la presse écrite aujourd'hui totalement exsangue : pour la première fois, un grand acteur du nouveau monde de l'internet accepterait de payer un survivant de l'ère Gutenberg pour donner à lire des articles dont la production a mobilisé de l'argent et d'importants moyens rédactionnels...
 Ce que se refuse toujours à faire obstinément le méchant Google ! Malgré ses énormes profits (4,2 milliards de dollars en 2008 sur 21,7 milliards de chiffre d'affaires), le groupe de Mountain View ne reverse rien aux journaux dont il exploite le contenu sur Google News. Alors même qu'il en tire un très lucratif business publicitaire en revendant l'audience générée par les internautes avides d'info aux annonceurs via ses fameux liens sponsorisés et autres mots clés. Argumentaire obtu de Google en direction de la presse : "De quoi vous plaignez-vous ? je vous apporte Mon trafic, à vous de le monétiser...". 
 De fait à chaque minute, le moteur turbo enverrait 100.000 internautes vers les sites d'information. Et dans sa grande générosité, Google propose désormais aux journaux des outils de micro-paiements pour faire leurs petites affaires... Mais il y a peu de chances que les internautes, totalement convertis à la culture de la gratuité, aient envie de payer pour autant. Alors le vrai risque pour Google, c'est de scier la branche sur laquelle il est assis en laissant mourir les journaux qu'il a lui même privé de recettes publicitaires...


Mais un deal entre Microsoft, le seul acteur susceptible de concurrencer Google, et Murdoch, le dernier grand magnat de la presse, pourrait bien changer la donne. Pour les journaux, exit le débat stérile sur le fait de faire payer ou non à l'internaute l'article qu'il veut lire sur internet. Et c'est tant mieux puisque ce dernier ne veut vraiment pas payer, à de rares exceptions près (informations à haute valeur ajoutée, économiques notamment). Désormais, c'est le moteur de recherche qui financerait en partie la production des news et reportages en contribuant aux revenus des journaux ! Une révolution et enfin un vrai business-modèle Internet pour une presse totalement déboussolée par l'érosion de son lectorat papier (5 à 6 % par an désormais) et l'effondrement de ses recettes publicitaires (- 20 à - 25 % en cette année de crise).
Bien sûr dans la défiance voire la détestation, l'ogre numérique des années 2000 n'a pas encore supplanté le Leviathan informatique des années 90 . La côte de popularité de Google est même à son sommet dans le coeur des internautes : en 2008, la société internet se classait en tête du classement Brandz des 100 marques les plus populaires aux Etats-Unis, devant GE et Microsoft... Et pour cause : à nous tous internautes, le divin moteur de recherche promet de mettre le monde numérisé gratuitement à portée de clics en "organisant l'information". Et le fait est que Google tient ses promesses. C'est tellement vrai pour les "News", la matière qui nous intéresse tant, nous journalistes, et vous accessoirement chers lecteurs... Chaque jour, des milliers de journaux, de stations de radios, de chaînes de télévision et de sites internet déversent des tera-octets d'informations sur le Web. Heureusement, il y a Google pour faire le tri dans cet océan de mots et nous servir l'actu sur un plateau : tous les articles produits sur internet par toutes les rédactions du monde dans toutes les langues sont systématiquement indexés par ses gentils robots "crawlers", puis stockées sur ses dizaines de milliers de "gentils" serveurs, avant de nous être restituées à la moindre requête et en une fraction de seconde  grâce au "gentil" algorithme inventé par Sergei Brin et Larry Page voilà plus de dix ans alors qu'ils étaient encore étudiants à Stanford.


Seulement voilà, maintenant il y a aussi Bing qui carbure tout aussi bien quand il s'agit de chercher de l'info sur le Web. Le moteur de Microsoft commence d'ailleurs à monter vraiment en régime : en octobre selon Comscore, la part de marché de Bing dans la recherche Internet frôlait les 10 % aux Etats-Unis. Partant de rien ou pas grand chose (MSN Search...), c'est une vraie performance. D'autant que Bing a été lancé il y a seulement six mois. Certes, Google s'arroge toujours plus de 65 % des recherches outre-Atlantique et même plus de 80 % en France. Mais comme chantait ce bon vieux Dylan "Times they are changin'"... Alors s'il ne  ne veut pas faire de Microsoft le "gentil" de l'histoire, Google aurait sans doute tout intérêt à revoir sa position. En reversant quelque chose à ceux qui alimente par leurs contenus sa formidable cash-machine. Combien ? C'est toute la question. Tout dépendra sans doute de l'issue des négociations en cours entre Murdoch et Microsoft. Si ces dernières aboutissent. Mais finalement, tout le monde a peut-être intérêt à être "gentil" avec la presse. Sinon à ce train là, il n'y aura bientôt plus de journaux pour raconter ce genre d'histoires. Juste des dépêches d'agence produites par des rédactions robotisées et répliquées à l'infini par Google, Bing ou Yahoo!.
Jean-Christophe Féraud

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3 commentaires:

  1. Plusieurs questions encore sans réponses: -Microsoft aura-t-il les moyens de rémunérer TOUS les organes de presse intéressés par le projet Newscorp? -Sera-ce assez lucratifs pour ces-dites sociétés de presse pour accepter la mécanique et violente chute d'audience, corolaire du déréférencement de GoogleNews? -Quid des portails personnasibales de type Netvibes qui peuvent être aussi considérés comme des "GoogleNews à faire soi-même? -Si dans la foulée de Murdoch, d'autres journaux "partent" su Bing, ceux qui resteront sur Google ne vont-ils pas gagner le jackpot d'audience et devenir rentable à leur tour? -Quid des sites Internet comme lequipe.fr déjà rentables? Vont-ils prendre le risque de n'être QUE sur Bing? Pas facile tout ça...

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  2. Perso, j'aime bien Google mais après lecture de cet article Jean-Christophe, mon Amour pour Dieu-Google est quelque peu remis en cause.
    (S'il-te-plait, ne dis pas trop de mal de mon ami Apple non plus !)

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  3. Bon Google c'est fait, il me reste à déboulonner Apple c'est noté. Et puis après je me ferai Microsoft parce que là vraiment j'ai vraiment été trop gentil avec la pieuvre de Redmond ;-)

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