vendredi 8 avril 2011

N'oublie pas que tu descends d'une longue lignée de chercheurs de vérité

Le 20 février 2005, Hunter Stockton Thompson se tirait une balle de revolver dans la tête, dans son ranch d'Aspen Colorado. Et je m'aperçois aujourd'hui que j'ai manqué cet anniversaire. Je rattrape cet oubli ici et maintenant, en tapant paresseusement ces quelques lignes sur mon clavier. L'inventeur du "gonzo journalisme", le graphomane halluciné de "Hells Angels", "Fear and Loathing in Las Vegas" et "The Great Shark Hunt", avait 67 ans quand il a pris un aller-simple direct to the Sky. 17 de trop pour cet éternel jeune homme Born to be Wild. Pour lui, la vie après 50 ans ne valait pas la peine d'être vécue, avec ou sans Rolex. Et ce siècle si médiocre et terre à terre, sans utopie, sans courage, ni défonce n'était plus le sien. Il avait pris une retraite définitive - du monde et du journalisme - déclarant ne plus rien vouloir produire "dans une nation dirigée par des porcs". Les Etats-Unis de Bush Junior, de Dick Cheney, Fox News et Halliburton qui n'avait plus rien à voir avec l'Amérique rebelle de sa jeunesse, celle de Jack Kerouac, du San Francisco des Sixties et de "Rolling Stone Magazine".
Quand le claquement sec de la détonation retentit, son fils, sa belle-fille et son petit fils se trouvaient dans la pièce à côté. Tous crurent au bruit d'un livre qui tombait et ne vérifièrent que quelques minutes après. Le "Duke" était écroulé sur sa machine à écrire IBM Selectra rouge où il avait simplement tapé la date du 22 février 2005 et le mot "conseiller" (Feb. 22 '05 et Counselor)...Mystère, rien de plus. On retrouva peu après sa lettre d'adieu, tapée sur la même machine, elle disait:

"No More Games. No More Bombs. No More Walking. No More Fun. No More Swimming. 67. That is 17 years past 50. 17 more than I needed or wanted. Boring. I am always bitchy. No Fun for anybody. 67. You are getting Greedy. Act your old age. Relax. This won’t hurt."

 



 Mais avant de partir au  Walhalla des gonzo-journalistes s'enfiler des Wild Turkey et gober des buvards de LSD comme des bonbecs avec ce bon vieux Dr Gonzo, notre cher Hunter nous laissa quelques conseils. A son petit-fils, il écrivit une courte note soigneusement calligraphiée qui disait :

"Marche fièrement, sois cool, apprends à parler arabe, aime la musique et n'oublie jamais que tu appartiens à une longue lignée de chercheurs de vérité, d'amants et de guerriers" 

Depuis la "Lettre à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke, on n'a pas fait mieux comme testament en forme de leçon de vie à un tout jeune homme il me semble...

Quarante-six ans plus tôt, Hunter Thompson écrivait avec culot ces mots bravaches à William Faulkner, dans une lettre datée du 30 mars 1959:
"Il me semble que le rôle, le devoir, l'obligation, et en effet le seul choix de l'écrivain, aujourd'hui, est de mourir de faim, aussi honorablement et avec autant de panache que possible"
On n'a pas fait mieux comme conseil à un jeune poète, écrivain ou journaliste je crois...

Le journalisme ? Doc Thompson en avait compris, démonté et raillé tous les rouages usés et méprisables avant même d'avant même d'avoir renoncé à s'enterrer dans une rédaction pour tracer sa propre voie libre et sauvage : "J'ai suivi quelques cours d'écriture à Columbia pendant mon temps libre, ai énormément appris sur la manière dont se mènent les affaires journalistiques, jusqu'à éprouver désormais un saint mépris pour le métier. Je pense pour ma part qu'il est fort dommage qu'un secteur potentiellement aussi dynamique soit entre les mains de nazes, de vauriens et de pisse-copies frappés de myopies et d'apathie, bouffis de satisfaction, généralement confits dans un marais de médiocrité stagnante. Si c'est ce à quoi vous essayez d'échapper avec le Sun, alors il me semble que j'aimerais travailler pour vous".

(lettre adressée à Jack Scott, le rédacteur en chef du "vancouver Sun" le 1er octobre 1958)

Pour le seigneur Hunter, un bon gonzo-reporter se devait d'avoir:

"le talent du maître-journaliste, l'oeil du photographe artiste et les couilles en bronze d'un acteur d'Hollywood". 

C'est toujours vrai. On n'a pas fait mieux comme leçon de journalisme aux journalistes qui ne quittent plus leur bureau par paresse ou par la force des choses...Alors lisez ou relisez avec moi cette leçon de journalisme hors la loi et répétez "I wanna be a gonzo journalist" ! 
Haw Haw :D

Pour en savoir plus sur la vie héroïque et dérangée du Duke, il faut le lire bien sûr. Vous pouvez aussi visionner ce bon documentaire sorti il y a deux ans aux Etats-Unis et distribué depuis peu en DVD de ce côté-ci de l'Atlantique : 

10 commentaires:

  1. Tiens, je n'aurais pas traduit 'Kick ass' par 'bouge toi le cul..' Kick ass c'est plutôt Be cool son... The world is yours... with attitude

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  2. Cher anonyme tu dois avoir raison pour la traduction : j'ai fais un contresens kick ass, c'est plutôt be cool son...
    Thanks je vais corriger ;)

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  3. C'est cool de parler un peu d'HST. Sa vision du journalisme et de la "presse rotarienne" est putain de pertinente. Il a beau être un foutu patriote, un fanatique des armes à feu, ce mec a quand même envoyé du bois. La lecture de ses lettres, c'est un régal, vraiment. Mais le mieux, bien sûr, c'est ses articles de presse. Pfff, y'a des perles!! Autant dans sa période correspondant itinérant en Amérique latine que dans sa période gonzo. Putain, "Un Américain paumé dans le fief....", "Tuerie brésilienne", "Le Derby du Kentucky..." (du très très lourd), "The Police Chief", "Les tentations de JC Killy" (il est en ligne en pdf quelque part, il est très bon), l'article sur la convention démocrate de 68 à Chicago, et tous les articles de sa période "journaliste politique", sur la campagne de 72... bref, j'arrête, mais j'me dis que ça serait cool qu'HST fasse des émules dans les écoles de journalisme...

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  4. bituur esztreym9 avril 2011 à 13:42

    wahala --> walhalla ?
    this is a kick ass post ¨W;7[)

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  5. Walhalla ! Merci Mec, c'est corrigé. Voilà ce qui arrive quand on écrit trop vite gonzo style et qu'on ne se relit pas;)

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  6. je suis tomber sur ça ... ça devrait te plaire...
    http://www.npr.org/2011/04/09/135240040/how-the-beatnik-riot-helped-kick-off-the-60s?sc=fb&cc=fp

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  7. Je n'aurais pas le style journalistique ce soir ... Comme jamais mais peut être car je suis loin d'être un journaliste. Mais Gonzo je serais ... En effet apres une soirée bien remplie (a la fear and loathing ...) voila que ce post me reviens en pleine figure ... Si je pense que la lecture de M. HST doit étre digéré ...( je vais finir sur mon MacBook car l'ipad...)

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  8. étre digéré... tout au long de sa vie. Car on ne peut appréhender notre ami s'il on est ado, puis parent , puis ... En effet parler de l'oeuvre d'un artiste c'est avant tout paler de plusieurs oeuvres. En effet quand M. HST écrit, comme tu le souligne, à différents moments de sa vie, il ressent différents états d'âme. Ce soir j'ai compris plusieurs choses sur cet artiste mais il y a eu comme une révélation... Jamais je ne pourrais excuser mon dégout pour cet homme qui s'est suicidé. Le suicide, aussi beau soit il, ne peut être excusé. Car si le dégout de ce qui nous entoure peut être insupportable... un baiser sur notre futur ( pour moi mon enfant de 10 mois... ) ne peut que me donner l'espoir qu'un jour le salut viendra. Bref par ce message incompréhensible, je veux témoigner à mon enfant mon amour, et surtout soulever le fait que le suicide n'est qu'un acte de lâcheté ... Un HST aujourd'hui nous manque, et il ne peut se la couler douce au ciel sans que quelqu'un le lui reproche.

    Merci JC que je lis depuis des mois sans savoir pourquoi.

    jeutizi@mac.com

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  9. Citation sans fautes de conjugaison:
    "Marche fièrement, *sois* cool, apprends à parler arabe, aime la musique et n'oublie jamais que tu *appartiens* à une longue lignée de chercheurs de vérité, d'amants et de guerriers"

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  10. moi aussi j'aime bien l'odeur de l'encre sur le papier.

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