mardi 7 septembre 2010

Mon Ecran Radar Année 2.0

Illustration empruntée à Loulou Picasso
Que faire ? Qu'en faire ? Ce blog en forme de laboratoire numérique et journalistique très personnel a bientôt un an et je me pose la question de Lénine depuis déjà quelques temps. Près de 60 chroniques plus tard, je sens que j'arrive au bout de quelque chose, que j'ai atteint une pierre de touche. 
Au commencement était l'enthousiasme brouillon pour ce nouveau média à la première personne. Je me suis lancé dans cette aventure, sans réfléchir, étendard au vent et clavier en bandoulière avec la vague idée de prolonger sur le Web mon travail de journaliste de presse quotidienne spécialisé dans les nouvelles technologies et les médias. Et aussi, c'est vrai, de lancer un radeau digital sur la mer démontée qui fait tanguer jusqu'aux plus fiers paquebots de la presse parisienne. Pour être encore là, d'une manière ou d'une autre, quand l'encre, le papier et les rotatives qui m'ont fait journaliste ne seront plus...
Après quelques billets, j'ai vite perçu le double écueil qui guettait mon fragile esquif : faire un blog de journaliste Geek avec plein de gadgets et de branlette technologique inside, et/ou un blog Médias comme les autres, chroniquer le vain théâtre des intrigues cathodiques avec plein de people et paillettes dedans. Et puis l'évidence s'est imposée. Puisque ces deux univers sont en voie de fusion accélérée dans le grand Synchrotron numérique. 
Puisque les frontières entre tuyaux et contenus tombent les unes après l'autre comme l'avait prédit Saint Jean-Marie Messier à l'aube de l'an 2000 (j'étais parmi ses apôtres suivant religieusement ses faits et gestes)...pourquoi ne pas chroniquer au jour le jour les effets sismiques ou papillon de cette révolution digitale sur mon métier de journaliste, nos vies de citoyens, celles de nos enfants-mutants,  l'actualité, l'histoire et la culture en train de se faire et de se défaire au rythme frénétique des innovations technologiques ? Et pendant que j'y suis pourquoi ne pas y mettre un peu de moi, du jeune punk naïf et révolté que j'étais au journaliste installé mais un peu bravache que je suis resté ?
Sur mon écran radar, tout (ou presque ;-) me serait permis. A commencer par la subjectivité de mon regard sur le monde. Subjectivité ? Un gros mot pour les parangons pisse-froid de l'objectivité journalistique à l'anglo-saxonne. Mais cette objectivité n'existe pas, dans le meilleur des cas on peut essayer d'être honnête...alors va pour une tentative d'hônneteté subjective.
Lancée par  l'accélérateur Twitter, la machine infernale s'est donc mise en route : 1 gros billet par semaine, parfois 2, 3, des doubles journées après le journal et des week-end passés à se torturer les méninges et s'user les yeux devant l'écran blafard de mon ordi. Bloguer est un sport de combat si tant est que l'on est un peu exigeant avec soi-même et respectueux de son lecteur. Mais l'adrénaline des débuts, le plaisir d'écrire sans fard ni entraves, d'écrire long et hors cadre envers et contre les prétendues règles du métier et du Web, le bonheur d'expérimenter les formes narratives, et surtout d'échanger avec toi qui me lit en ce moment même...tout cela me portait. Jusqu'à l'euphorie d'un relatif succès d'estime et d'audience. Un prix du "meilleur blog high-tech" décroché à la Coupe de l'info en janvier; 6000 visites par mois avec mes petits bras, sans être hébergé par un grand média; un début de "buzz" et de "personnal branding" non programmé, assumé de manière un peu schizo...je planais bien haut sous exctasy égo-bloguistique, allant jusqu'à remercier le père de l'Internet Vinton Cerf
Et puis la fatigue est venue, et avec elle le manque de fraîcheur intellectuelle, la répétition des sujets un peu nombrilistes et au final le risque de l'auto-plagiat auto-parodique du journaliste écrivant sur le journalisme en plein Big Bang numérique, d'ailleurs c'était mieux avant Blablabla... Et puis je me suis réveillé un beau matin du mois de mai en écrivant ces lignes qui traduisaient déjà mes interrogations sur ce blog, son positionnement, son devenir, cet esclavage consenti :
"Ami Blogueur, tu te sens comme une pauvre particule de plancton flottant anonymement dans un océan informationnel en perpétuelle expansion ? Ami TwitterJunkie, tu uses tes jours et tes nuits à gazouiller de la News en 140 signes pour être à l'avant-garde de l'avant-garde de la révolution journalistique et numérique...et puis un jour tu te demandes : à quoi rime tout cela ? Ce déluge de mots qui s'écoule comme le temps qui passe sur le sablier de ta time line..."  
Oui au fait à quoi rime tout cela ? Après un mois de silence estival sur ce blog - j'étais proprement, physiquement, incapable d'écrire la moindre ligne, la seule vue de mon écran Blogger me donnait des boutons - je me pose encore et sincèrement cette question existentielle. Honnêtement j'ai pensé arrêter. Je me sentais incapable de poursuivre à ce rythme, entre mes journées aux "Echos" et ce qui reste de vie privée. J'étais bloqué du clavier, paralysé des synapses et des neurones, incapable de trouver le moindre sujet un tant soit peu original et non standardisé, ou incapable de transformer la petite lumière de l'idée en travail effectif et en transe éditoriale productive. Aujourd'hui j'en suis là. Mais je me dis Fuck ! Je n'ai quand même pas fait tout cela pour m'arrêter là, capituler en rase campagne numérique. Laisser dériver ce blog dans le cyberespace comme une infime poussière d'expérience journalistique et personnelle bientôt à cours de visites et d'oxygène...
Illustration empruntée à Loulou Picasso

Alors j'ai décidé de m'y remettre, essayer d'inventer quelque chose de neuf, de retisser un fil éditorial inédit au fil de ces chroniques du Big Bang numérique. J'ai en projet d'arpenter un peu plus les nouvelles cultures et les étranges liens sociaux qui naissent chaque jour au sein du grand village digital. Ma Muse, la Fée Clochette des claviers, était partie...une autre repointe déjà son joli nez. Elle a craqué une allumette et le Feu Sacré est revenu. Mon écran radar année 2.0...est sur la rampe de lancement. Ce billet un peu nombriliste sur les affres du blogueur servira de déclencheur pour un nouveau compte à rebours. J'ai déjà quelques idées de sujets. Quelque chose qui serait une sorte d'"Eloge à la lenteur journalistique" en réaction à l'hystérie du hard news et de l'internet en temps réel. Et puis j'ai envie d'écrire sur l'obsolescence qui guette l'humanité telle qu'on la connaissait, à force de passer plus de temps sur les écrans irréels que dans la vraie vie IRL. Puisque l'on parle à son sujet de "La possibilité d'un plagiat"  mais l'affaire est plus compliquée, précisons que j'ai emprunté l'idée de départ à l'extra-lucide et cynique Michel Houellebecq, dont j'ai commencé "La Carte et le Territoire. Il en parle évidemment bien plus brillamment que moi :
"Alors que les espèces animales les plus insignifiantes mettent des milliers, parfois des millions d'années à disparaitre les produits manufacturés sont rayés du globe en quelques jours. Nous aussi nous serons frappés d'obsolescence"...
Mais je vais essayer de ne pas vous décevoir. [Avis, amis blogueurs : je trollerai le premier qui me pique l'idée jusqu'à la fin des temps numériques ;-)]
 A très vite donc...j'espère que vous resterez fidèles et indulgents. De mon côté, je vous promet un pur moment de rock'n roll bloguistique ! 
(merde j'ai encore placé la barre un peu haut).
J-C.F

12 commentaires:

  1. "à force de passer plus de temps sur les écrans irréels que dans la vraie vie IRL" - poésie 2.0, un concept ? ;-)

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  2. Que se passerait il donc pour vous si vous ne le faisiez pas?

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  3. @anonyme: bonne question. J'ai vraiment besoin de ce blog. Irrepressible envie d'écrire hors cadre, à la première personne, en marge de mon métier de journaliste installé, un truc qui me ressemble vraiment...acte de résilience, tentation blogo-littéraire... Tous les journalistes sont des écrivains ratés ;-) Ais-je bien répondu ?

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  4. C'est bien. C'est exprès la référence au film de Manuel Boursinhac (un pur moment de rock'n roll) à la fin ?

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  5. @christophe Oui Un pur moment de rock'n roll...C'est comme ça que j'essaie de voir le blogging. C'est aussi le titre d'un livre de Vincent Ravalec...je ne prends pas de dope comme le personnage principal du livre - j'ai mon compte d'addiction avec ce blog et Twitter - mais l'écriture me travaille comme lui ;-)

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  6. Je vais suivre ta TL de plus près (-;

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  7. Superbe texte qui retranscrit bien les affres et les états d'âme du blogueur et le sens qu'il poursuit derrière tout ça ! Je n'ai que 4 mois de blogging au compteur mais tout comme toi, je me pose la question de durer ou pas, pour en faire quoi tellement la tenue d'un blog phagocyte le temps qui n'est déjà pas extensible à la base ! Et pourtant, je ressens comme toi ce besoin inextinguible d'écrire. Alors ne lâche en rien cet excellent Ecran Radar qui revisite de façon tellement originale et pertinente les thématiques jounrnalistiques, numériques et réseaux ... Vive l'an 2 !

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  8. Je t'ai découvert via Twitter il y a peu.
    Peut-être est-ce de travailler à la Tribune, l'Expansion et les Echos qui t'a filé ce coup de blues ?
    Sur mon expérience personnelle, voilà deux ans et demi que j'ai commencé mon blog et je ne ressens pas du tout le besoin d'arrêter même si souvent, je me pense "en pauvre particule de plancton".
    J'écris vite et ne suis pas un bloggeur bloqué ( plus de 777 articles - et non billets - depuis mon arrivée sur le Net).
    Si on pense que toute sensation, toute pensée, toute notre présence au Monde est de l'écriture, alors durer ou ne pas durer est un faux problème. En nous, blog ou pas blog, ça s'écrit.. non ?
    Bien à toi.

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  9. Que faire? bonne question. L'absence de contexte (tu le dis: ton blog n'est pas hébergé par un grand média) et la liberté permise par le blog sont aussi le principal écueil.

    Les lecteurs sont volatiles et pas toujours prêts à coopérer. Et quant au "retour sur investissement", il est surtout symbolique.

    Bref, il vaut mieux voir dans le blog une sorte d'exercice spirituel, un passe temps sympathique, rien de plus.

    Et, concernant la question de Lénine, je crois qu'elle ne se pose plus trop aujourd'hui dans ces termes (ces pourquoi ceux qui titrent leurs bouquin "que faire?", comme Bavarez ou Cohn Bendit sont très peu lus, finalement). Aujourd'hui la question c'est plutôt: "Que ne pas faire?"

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  10. Désolé pour les fautes de frappe!

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