lundi 10 janvier 2011

Jeunes journalistes: qu'est-ce qu'on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ?

Cela faisait un moment que j'avais envie de savoir comment les jeunes journalistes web-natives vivaient leur entrée dans une profession qui, dans les faits, n'a plus rien d'un rêve de gosse rose bonbon : précarité institutionnalisée en forme de stages et CDD à répétition, productivisme Shiva en guise de vademecum, règne des petits chefs sur des rédactions web organisée pour le flux et rien que pour le flux, arrogance aveugle des "newsosaures" de l'ère imprimée face à la grande mutation numérique de l'information...la condition faite à cette génération surdiplômée et bien mieux formée que nous ne l'étions est indigne. Et la crise de la presse n'explique pas tout. Notre génération, celle de Gutenberg, a été jusque-là incapable de comprendre et de s'adapter aux enjeux de la révolution Internet. Et dans des biens cas, tue toutes velléités d'innovation dans les rédactions en ignorant superbement ce que les jeunes ont à nous apprendre du Web. Je voulais lire tout cela sous la plume d'un confrère de moins de 30 ans. Morgane Tual, qui fut ma stagiaire il y a quelques années, a relevé le gant. Et le résultat décoiffe au-delà de mes espérances. Car la "Génération Y" en prend aussi pour son grade...Lisez plutôt le billet de mon invitée:

Pochoir Street Art
Envie d'écrire, mais manque d'inspiration. Twitter sert à tout, même à trouver de quoi bloguer. C'est Jean-Christophe Feraud, mon ancien patron aux Échos, vieux con autoproclamé du genre qu'on aimerait voir plus souvent, qui m'a soufflé cette idée de sujet : "Jeunes/vieux journalistes, papier/internet, conflits de génération ?".
A la lecture, j'étais moyennement emballée. J'en ai un peu marre du branlage de nouille journalistico-twitto-intello du moment. Et puis j'ai changé d'avis. Les vieux journalistes et leurs grands principes, les jeunes journalistes et leur manque de principes, j'en parle souvent, à l'oral. Alors autant l'écrire. En précisant bien qu'il ne s'agit que d'un coup de gueule, et que mes propos sur les cons, vieux ou jeunes, ne sont pas à généraliser.
  
LES VIEUX CONS
La seule fois où nous avons eu un semblant de cours sur internet, dans mon école de journalisme, c'est un vieux type, une "pointure", qui est venu nous faire la leçon. Globalement, j'ai toujours trouvé cela étrange que des personnes de 60 berges viennent nous apprendre la presse, alors qu'ils l'ont fichue en l'air. Ils nous lèguent des médias au bord de la faillite, un mépris généralisé (et bien mérité) des citoyens à notre égard, et nous enseignent la bonne vieille méthode pour continuer.
C'est d'autant plus amusant quand un journaliste d'un certain âge vient nous faire la leçon sur internet. Ces types, qu'on a balancés à la tête de rédactions web parce qu'ils avaient "du bagage" et l'audace d'avoir ouvert un compte Facebook en 2007, ont tout appris dans des colloques. Ils sont généralement aussi sensibles au web qu'un ornithorynque confronté à une Playstation. Ils nous racontent avec une certitude insensée qu'écrire pour le web, c'est écrire court. C'est mélanger du texte avec de la vidéo et du son. Sinon, ce n'est pas "web". Encore moins "web 2.0".
Pas d'accord. En fait, personne ne sait ce qu'est le journalisme web, et finalement, c'est aussi bien. Ce qui est valable aujourd'hui ne le sera plus demain. Nous pédalons tous dans la semoule/choucroute/caviar et, confidence pour confidence, j'adore ça. Chercher à établir des "règles", des "pratiques", peut-être que c'est finalement cela qui est anti-web. Néanmoins, qu'un type de 40, 50, 60 ans – ou de n'importe quel âge - ne détienne pas toutes les vérités sur la publication en ligne n'est pas choquant en soi. Ce qui l'est, en revanche, c'est le manque de curiosité. Pendant ces cours, il ne viendrait pas à l'esprit du journaliste-professeur de nous interroger sur nos pratiques, tout occupé qu'il est à se faire mousser devant des jeunes admiratifs. On l'a vu, les vieux journalistes ne sont pas à une contradiction près. Entre le discours et la pratique, il y a un grand canyon. 
Entre eux, dans les conférences où ils interviennent, tous tiennent le même discours : les jeunes sont formidables. "Nous avons tout à apprendre des digital-natives, ils ont le web dans le sang, nous sommes très à l'écoute des jeunes et des nouvelles pratiques". Étrangement, dans les nombreuses rédactions que j'ai fréquentées, personne ne m'a jamais demandé mon avis de (presque) digital-native. Tu peux marquer HTML en capitales rouges sur ton CV, tout le monde s'en tamponne. Pour parader dans des séminaires en expliquant que les jeunes sont formidables, il n'y a aucun problème. 
Mais la réalité, c'est que les jeunes moisissent dans des rédactions pourries, payés que dalle, parfois ignorés, rarement remerciés, pour des stages aux limites de la légalité, à bosser comme des bêtes à pondre de la dépêche minable jusqu'à pas d'heure. La remise en question, ce n'est bon que pour les conférences. En vrai, on attend sagement la retraite, en glorifiant le temps d'avant, en accusant le web de tous les maux de la presse, en évitant soigneusement de se sentir responsable. Après nous, le déluge.
Photo Larry Clark, Expo Kiss the past hello

LES JEUNES CONS
Heureusement, la jeune génération est là pour prendre le relais. Non ? Non. La génération Y, c'est surtout la génération plan-plan. Aussi bien pensants que nos aînés. Sauf que les vieux, eux, ont au moins le mérite d'avoir été jeunes une fois dans leur vie, en essayant de tout foutre en l'air dans les années 60-70. Aujourd'hui, on fait du journalisme pour être reconnu socialement, et surtout pas pour faire évoluer le métier. On rêve de parler dans le poste avec le même ton cloné, d'écrire dans des journaux prestigieux et, si on a de la chance et la belle gueule qui va avec, de faire de la présentation à la télévision, summum de la gloire. Quitte à reproduire éternellement le même modèle qui, on le sait désormais, est voué à l'échec. Bref, réinventer le journalisme, très peu pour nous. Dorénavant, les rares à lancer de nouveaux projets ambitieux ont souvent passé la cinquantaine. Et le seul à s'être montré impertinent comme nous, jeunes cons, devrions l'être si nous remplissions notre rôle social, est un vieil anar octogénaire. Aujourd'hui, lancer un média est pourtant devenu techniquement et financièrement bien plus accessible qu'auparavant. Nous disposons d'une liberté immense. D'un espace de jeu illimité. Et nous n'en prenons pas possession. Les quelques journaux lancés par des jeunes motivés, même s'ils sont souvent d'une remarquable qualité, restent néanmoins d'une sagesse désespérante.
Nous sommes la génération CPE. Notre combat, ce n'était pas de changer le monde. Non, nous, tout ce qu'on voulait, c'est un putain de CDI ! En 1968, les jeunes voulaient abolir le travail et le consumérisme. Nous on veut un contrat afin de pouvoir s'acheter une bagnole à crédit. La sécurité. le confort. Surtout ne rien changer. Quid des "digital-natives" ? Dans ce contexte d'insécurité complète du marché de l'emploi, le web est devenu une immense opportunité pour se faire connaître, hors des sentiers-battus du CV à papa. Le "personal branding", dépasser les mille followers sur Twitter, se faire inviter dans des soirées parisiennes VIP, chics et underground est devenu un but en soi. 
Nous passons beaucoup de temps sur ces futilités, nous éloignant chaque jour davantage du reportage de terrain, de l'enquête et, surtout, des gens. De tous ces gens qui ne savent pas ce qu'est le web 2.0, encore moins ce qu'est Twitter, qui s'en foutent et qui, en plus, ont sans doute bien raison.Qu'est-ce qu'on attend pour ne plus suivre les règles du jeu ? Qui prendra la suite de Siné, pour chier dans la colle, à notre façon ? 
Morgane Tual

25 commentaires:

  1. On oublie le "journalisme-citoyen" issue de l'internet, journaliste par hobby, hors du sérail, sans formation mais plein de talent bloguant,twittant analysant. moins consensuel et surtout indépendant.
    Le journalisme étant un travail de médiation, il change de nature en fonction de l'évolution technologique.
    Peut être ne doit il plus être une activité salarié?
    Comme le développement informatique et l'opensource,le journalisme et l'internet sont liée mais destiné à évoluer dans un paradigme non-marchant?

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    1. Merci d'aborder ce point. Ce journalisme-citoyen qui se tamponne des règles et de la carte de presse. Par contre vous parlez d'activité salarié, mais le temps c'est de l'argent et à la fin de la journée il faut bien l'avoir gagné, surtout au bout de 30 jours... La nécessité de trouver son modèle économique est donc indissociable.Vouloir c'est pouvoir à condition d'en trouver les moyens.

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  2. Je suis d'accord avec le propos, bien sûr.

    Non, écrire sur le web n'est pas forcément écrire court, et refuser les règles du jeu ne signifie pas écrire sans règles. Le journalisme suppose rigueur et sérieux (enquêter, sourcer, se saisir de l'info et s'en faire le vecteur).

    Mais surtout, sur ce web dont la vitrine sert de terrain de jeux aux egos hypertrophiés, gardons à l'esprit que le contenu devrait toujours primer, le journaliste devant prendre soin de rester en retrait derrière l'info qu'il propose. Personal branding, pourquoi pas, mais se vendre en tant que marque nécessite de pouvoir tenir la promesse de vraies compétences. Le packaging n'est pas une fin en soi, ce n'est jamais qu'un outil...

    Je suis d'une génération bâtarde : pas tout à fait jeune et arrivée sur le terrain du nouveau journalisme bâtard après bien des méandres professionnels. Vivre de ce métier et prendre des risques vont de pair pour moi, car je n'entre dans aucune case, et je ne l'ai pas fait exprès. Et pourtant, c'est la rigueur et le contenu qui me guident. Et au diable les CDI :)

    Je vis de ma liberté, et je prends possession tous les jours de mon espace de jeu. Tant que je gagne, je joue. Et c'est le pied.

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  3. Très bien. Et maintenant on fait quoi? Je comprends la frustration. Je la partage. Mais, la réponse c'est quoi? Nous la connaissons tous. C'est faire les choses. Passer à l'action. Digital native ou pas. C'est ce que fait Nicolas Voisin avec Owni. C'est ce qu'ont fait Benoît Raphaël, Patino et leur équipe avec Le Post et maintenant séparément avec d'autres projets, c'est que fait l'équipe de Rue 89, c'est ce que fait l'équipe de Médiapart, c'est ce que fait Johan Hufnagel à Slate, c'est ce qu'a fait Michel Lévy-Provencal à France 24 et maintenant avec son agence Joshfire, c'est que fait Carlo Revelli avec Agoravox, c'est ce que fait François Blum avec, par exemple, Le Bon coin...et nous avec notre agence RevSquare et, entre autres, le quotidien en ligne pour enfants, Kiddoki, que nous nous préparons à lancer aux États-Unis. Et j'en oublie (sorry) des gens de qualité qui se bougent. La différence? Nous avons choisi de passer à l'action! Nous aurions pu rester tranquille à faire du journalisme pépère dans une rédac. Nous avons choisi de ne pas regarder le train passer, mais de sauter dedans avec tous les risques que cela représente. Et je vous assure Morgane, des risques il y en a. On ne dort pas bien souvent! Mais c'est le pied. Sans risque, rien ne se passe. C'est la règle du jeu.

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  4. Moi qui ne suis ni journaliste, ni pigiste, ni pas grand chose en fait, si ce n'est un "digital-native" qui n'a pas eu la chance/les couilles/les moyens (ne rayez pas de mentions inutiles, il n'y en a pas), j'ai un début d'explication probablement bien contestable à apporter sur le sujet.

    Comme tu le dis, les gens sont cons. Postulat primitif à base d'enfonçage de porte ouverte et pourtant. On a le journalisme et les journalistes qu'on mérite, que les Français méritent. Quand tu vois que plusieurs millions de cons sont capables de s'agglutiner devant TF1 pour regarder des -mauvais- comédiens dans des émissions comme QVEMF ou Plus belle la life, ceux-là même sont les "clients" du journalisme. Ce sont eux qui sont censés lire les dépêches, articles, reportages. Ce sont eux (dont je fais partie parfois, les soirs de grosse fatigue, même si j'essaie de lutter contre la médiocratie culturelle) qui ordonnent implicitement aux journalistes en CDD ou en stage, eux aussi, à bout de fatigue, ce qu'il veulent lire, ce qui aura de l'audience. Et ce qui a de l'audience à l'écrit est similaire à ce qui a de l'audience en image : de la merde ! (copyright JP Coffe)

    L'étape d'après est alors de trouver les solutions pour que les gens arrêtent de bouffer de la merde, que ce soit dans leur assiette (mais ça c'est pas le taff des journalistes), à la télé ou sur le web (et sur le papier). Comment rendre les gens moins cons ? Bon, pour les vieux (en gros les + de 15 ans), c'est mort ou presque. Pour les autres, on a peut-être un rôle à jouer : rendre l'école, l'instruction et la culture plus populaires en agissant peut-être directement là où sont les futurs citoyens : les réseaux sociaux d'ados, les manuels scolaires, etc.
    Vaste chantier, n'est-ce pas ? :) ahlala, si j'avais la chance/les couilles/les moyens de m'investir là-dedans...

    PS : Sympa le captcha : "chies" :D

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  5. J'ai oublié de signer "un vieux con de 45 ans"

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  6. Très courageux et juste, ton billet, Morgane.

    D'autant plus courageux que, pour ajouter un détail au "rêve de gosse rose bonbon", que désigne si bien J.-C. Féraud, nous, les jeunes journalistes, qui pouvions penser que c'était une bonne chose d'avoir des idées et de vouloir les exprimer, nous rendons finalement très vite compte qu'en fait, si on la ferme, c'est très très bien aussi. Sans doute mieux, même, pour "faire carrière", comme on dit.

    Personnellement, j'ai des doutes sur le fait que le web puisse assouvir ceux qui, comme toi, visiblement, et comme moi, ont surtout des envies de terrain, de rencontrer des gens. Et de pouvoir en vivre (à part pour Siné, j'adore ton dernier paragraphe, d'ailleurs).

    L'hypocrisie suprême, c'est que les journalistes passent leur temps à dénoncer des situations absurdes, mais dès qu'il s'agit de regarder la profession...houlà, pas touche, c'est un peu inconfortable.

    Moi aussi, j'ai hâte que tout ça change, mais je crois de plus en plus fermement que, pour s'épanouir, il va sans doute falloir quitter ce pays (enfin, sa capitale, surtout).

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  7. @jeffmignon tu es jeune pour un vieux ;) et merci ;)

    @Morgane: J'ai pas compris le papier. Qui sont les journalistes jeunes ou pas jeunes visés? Des jeunes journalistes qui (se) bougent, inventent, tentent etc, y en a plein, je ne les reconnais pas dans ce billet. Si tu veux dire qu'il n'y a que des vieux qui montent des sites médiatiquement visibles, c'est possible. Les banques ne prêtent qu'aux riches et d'autres sites/journaux moins connus montés par des jeunes en bavent. Mais j'en connais.

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  8. Ok, Plus belle la vie, c'est France3, mais vous aurez tous corrigé. :)

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  9. @anonyme (2). Pas besoin des banques pour monter une boîte. J'ai gardé mon job au début quand j'ai créé ma boîte. Idem pour mes associés de l'époque. Puis, j'ai négocié un mi-temps. Puis la boîte qui me faisait travailler est devenue mon client. En 20 ans, je n'ai jamais demandé quoi que ce soit à une banque.

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  10. Beau coup de gueule.
    "Personne ne sait ce qu'est le journalisme web" : bien d'accord. Je ne vois dans le web qu'un outil supplémentaire aux possibilités multiples et pas encore bien explorées.
    Cet outil est surtout en train de changer les pratiques des lecteurs (dont nous, journalistes, faisons bien évidemment partie) dans leur mode de sélection et de "consommation" de l'information (avec beaucoup de guillemets à consommation).
    A nous, journalistes, d'adapter nos pratiques à ces nouvelles attentes, en multipliant les formats et donc les manières de traiter l'information. Mais dans ce cadre comme ailleurs, c'est la qualité du contenu proposé qui est, à mon avis, primordiale.
    Je me permets de parler de mon expérience, étant rédacteur en chef d'un quotidien en ligne, sans publicité et rentable (tous nos revenus proviennent des abonnements). En un mot, Hospimedia (http://www.hospimedia.fr) traite de l'actualité politique, économique et juridique du secteur hospitalier. Notre modèle économique permet à notre équipe de 5 journalistes permanents + 2 pigistes réguliers de proposer un traitement pertinent (selon nos lecteurs !) et complètement indépendant d'un domaine donné.
    Certes, nous occupons une niche bien particulière et notre démarche s'applique plus difficilement à un media plus généraliste ou "grand public".
    Encore une fois, les possibilités offertes par l'outil web restent à explorer. L'important n'est pas dans l'outil utilisé, mais bien dans la démarche suivie dans le traitement de l'info (pertinence, indépendance).

    Nicolas Crestel, un "presque vieux con de 35 ans"

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  11. Joli billet...

    Mais je le trouve un peu trop centré sur un journalisme, un lieu (Paris, pour ne pas le nommer).

    Je suis aussi un jeune de moins de 30 ans, plongé dans internet depuis ... pff, une quinzaine d'années.

    Et pourtant, je ne fais quasiment que du terrain, et parfois de l'enquête, pour des médias classiques, mais aussi un pure-player... Donc voilà, difficile de généraliser les situations, et donc, c'est possible d'en faire.

    Le conformisme a toujours existé. Difficile pourtant de le mettre à l'index quand les "jeunes" sont les 1eres victimes d'un système qui protège les installés et exclut les entrants

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  12. "Tout ce qu'on voulait, c'est un putain de CDI"...

    Faut pas non plus trop idéaliser les soixante-huitards: j'en ai fait partie. On se concentrait pas sur "un putain de CDI" simplement parce qu'à l'époque le CDI était la règle, et qu'on dénombrait avec horreur (mais si!) 300 000 chômeurs. Trois cent mille, non, je me trompe pas d'un zéro.

    Du coup, on peut pas vraiment comparer.

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  13. Pourquoi, dès qu'on parle de journalisme, on a besoin de "gros" mots? Genre: "réinventer", "vision", "avenir". Naïve, peut-être? J'ai envie de croire que faire son métier avec plaisir(et non pas "parce qu'il faut bien faire du Web vu qu'on a pas le choix avec la crise des médias") est déjà une manière de faire avancer les choses, de créer un terrain propice aux bonnes idées. Parce que si on y va en traînant les pieds, c'est pas gagné...

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  14. Ce papier est tellement juste que ça me donne envie de laisser tomber le CDI que je viens d'obtenir sur un obscur site d'informations financières après deux dépots de bilan, 2 stages, 1 CDD et de multiples piges entre quelques séjours chez paul l'emploi.

    signé : une journaliste qui rêve de prendre un crédit

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  15. Si seulement il n'y avait que le manque d'innovation, on serait encore bien lotis.
    Moi, ce que je vois quotidiennement depuis trois ans de ma courte carrière, c'est :
    - des journalistes, jeunes et vieux, qui n'écrivent même pas dans un français correct. Et pas que dans des médias marginaux, non. Même des rédacteurs en chef et des types qui ont écrit des livres (bravo au correcteur). Et je ne parle pas de chipoter sur des points de détails: des erreurs de syntaxe énormes, des phrases à peine intelligibles...
    - des articles plats, inintéressants, pas creusés...
    - des infos non vérifiées, non recoupées, quand elles ne sont pas purement et simplement bidonnées ou du moins déformées. J'en vois tous les jours.

    Et qu'on ne me dise pas que c'est le nouveau rythme et le manque de temps. C'est sans doute vrai dans certaines rédactions, mais je côtoie aussi, hélas, de nombreux journalistes grassement payés et fort peu surchargés qui ne se foulent pas plus.

    Désolée de ne pas être politiquement correcte, mais j'ai vu des réactions encore pléthoriques après un plan social. Et les gens se plaignent d'être en sous-effectif alors qu'ils passent leur temps en déjeuners aux frais de la boite...

    - des sommaires dictés par les annonceurs, voire du publi-rédac pur et simple. Des interviews écrites directement par des services de communication (pourquoi perdre son temps ?)
    Ok, c'est peu moins courant que les deux points précédents, qui sont quasi la règle, mais ce n'est pas marginal non plus. Par contre l'interaction avec la pub au sens large est monnaie courante.

    Partant de là, plus rien ne me choque.
    Que le manque de créativité soit réel dans beaucoup de "vieux medias", c'est bien possible (voire certain) mais au point où on en est on n'est franchement plus à ça près.

    Après ce n'est pas le cas partout non plus... Oui, il existe quelques médias sérieux, indépendants et exigeants. Mais j'ai l'impression qu'ils sont vraiment rares.
    Peut-être suis-je chaque fois mal tombée mais dans ce cas je n'ai vraiment pas de chance...

    Je pensais pourtant avoir fait le deuil d'une bonne partie de mes idéaux appris à l'école, pourtant j'arrive à être encore étonnée chaque jour... je ne sais plus s'il faut en rire ou en pleurer.

    C'est triste mais en voyant cela, comment nous, les jeunes journalistes, ne serions-nous pas découragés ? A moins effectivement de créer son propre média mais tout le monde n'en a pas la vocation, l'envie et les moyens.

    Maintenant, quand des étudiants ou des lycéens me demandent conseil pour devenir journalistes, pleins d'espoirs et d'ambitions, je ne sais franchement que leur dire...

    Et non, je ne signe pas, c'est lâche, mais désolée, pour désabusée que je sois, j'ai un loyer à payer. Et atterrée que je suis par l'état de la presse, je m'estime encore heureuse d'avoir mon "putain de CDI" qui, faute de me permettre de faire un métier gratifiant, me permet du moins de partir en vacances.

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  16. Bonjour,
    Ce billet me ramène à un échange entre "1 jeune et un vieux journaliste" lors d'une rencontre de la presse à Nantes. Voir ici : http://www.citizen-nantes.com/article-citizen-nantes-nantes-daguin_monteil_avenir-de-la-presse-locale-41323871.html

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  17. Quand ils sont tout neufs
    Qu'ils sortent de l'œuf
    Du cocon
    Tous les jeunes blancs-becs
    Prennent les vieux mecs
    Pour des cons
    Quand ils sont d'venus
    Des têtes chenues
    Des grisons
    Tous les vieux fourneaux
    Prennent les jeunots
    Pour des cons…
    Le temps ne fait rien à l'affaire disait donc Brassens. Et votre papier m'inspire plein de réflexions.
    Tous les vieux sont vieux. Ils ne sont pas tous cons ni imbus d'eux-mêmes. Ils n'ont pas détruit le journalisme. Ils l'ont parfois défendu becs et ongles devant des patrons de presse qui pour beaucoup avaient plus d'appétence pour les dividendes versées aux actionnaires que pour l'info. Et certains aspirent sans doute à la retraite. C'est un peu normal vu leurs états de service. Je connais aussi des formateurs qui mouillent leur chemise, qui investissent le Web (et sont d'accord avec les conclusions que vous tirez).
    Les jeunes journalistes ne sont pas tous super à l'aise sur Internet. Chaque année, j'en ai, nombreux, qui connaissent la fonction mail, Google, Wikipédia, et puis c'est tout. Blog ? connais, pas. Twitter ? entendu parlé, mais sans plus. Base de donnée, veille internet, recherche, data journalisme ? Que de mots barbares. Facebook, si Facebook, tout le monde ou presque (presque cependant) à une compte. Sorti de là, c'est le désert.
    Alors il faut défricher, discuter, leur montrer qu'il y a une vie au delà de Google and co.
    Formatés, ils le sont, mais souvent même avant d'arriver à l'école.
    Par contre, et c'est vrai tous les ans, ils ont super envie d'en découdre. Ils savent qu'ils n'auront pas de CDI, voire même pas de CDD. Mais ils ont envie. Des fois quand je leur décris l'univers des entreprises de presse, le peu de valeur qu'elles accordent à l'info, ça ne les rassure pas. Mais je leur dis qu'au moins, ils vivent une époque incroyable, où tout est à inventer. Evidemment, il faut manger. Mais quel pied on peut se prendre.
    J'ai eu la chance de vivre quelques expériences de lancement, pour lesquelles on était payé pas grand-chose, où on a passé des heures et des heures de bouclage. Je me suis bien amusée.
    Les derniers chiffres de la commission de la carte montrent que les étudiants à postuler dans les écoles de journalisme sont de plus en plus nombreux. Je pense que c'est parce que le métier s'est durci. Qu'il devient plus difficile d'y entrer sans le sésame de l'école. Le problème, c'est que les écoles de journalismes fonctionnent sur le modèle des grandes écoles mais sans pouvoir en tenir les promesses. On ne sort pas du CFJ, de Lille, de Tours, etc. avec la promesse d'un boulot, comme on peut sortir de X, de polytechnique, d'HEC ou subdeco. On n'est pas des commerciaux, ni des vendeurs, ni des ingénieurs. Notre carrière ressemble plutôt à celle des artistes : il y en a des millions de bons, mais tous ne trouveront pas de place dans ce métier. Il n'y a pas de recette. Ceux qui arriveront deviendront un jour des vieux cons qui auront vu la guerre et qui la raconteront devant des jeunots qu'ils essaieront d'épater… Ainsi va la vie. Cela dit, raison de plus pour la vivre… Et se lancer et réinventer ce métier qui ne demande qu'à l'être.

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  18. Bonjour

    Alors si les journalistes sont des cons, moi je suis un salaud, parce que je fais de l'écrit commercial (Fi!) pour le web, je suis "nègre" pour des marques et pour des PME. Je fais aussi des sites internet et du contenu j'en vois passer à la louche, et il y a à boire et à manger.

    L'écrit, papier, web, deuzéro, troizéro, c'est bien qu'il soit plein de tout ce qui fait notre société et de ce dont elle est faite.

    C'est bien parce que ça permet d'échanger les uns avec les autres. Si on commence à critiquer, on (qui rappelons-le est un con) va encore créer des élites intellectuelles qui vont déféquer sur les autres.

    C'est le propre de l'homme : catégoriser la planète entière dans des castes et bien sûr, se situer dans celle du haut.

    Accepter l'autre permettra à tout un chacun de s'autopublier, de con-tribuer, de se faire con-gratuler ou con-spuer dans la con-vivialité.
    Et de se con-fronter à sa réalité : je suis bon, mauvais, nul, mais j'ai essayé.

    J'ai lu le mot "tolérance" dans les coms, je suis contre. Tolérer, c'est accepter les défauts de l'autre, mais du haut de sa hauteur et en jugeant que l'autre a des défauts. Ne jugeons pas, "si tu diffères de moi, loin de me léser tu m'enrichis".

    PS1 : on est toujours le con d'un autre
    PS2 : celui qui est con le lundi devient génial le vendredi.

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  19. Hello

    "celui qui n'est pas anarchiste à 20 ans est un imbécile.
    Celui qui l'est toujours à 40 en est un autre"
    Cette petite phrase assassine est ( je crois ) attibuée à Clémenceau.

    Anarchiste, je l'ai toujours été à ma manière. Nihiliste aussi peut-être bien mieux.
    J'ai eu à une époque des velléités de journalisme. En vérité, mon crédo à toujours été " a quoi bon, la vérité est partout et elle n'est nulle part "! ou encore "dès lors que l'on se sait capable de réaliser une chose, à quoi bon la faire ?" (Picasso, T.E Lawrence )
    Journaliste ? Pour quoi ? Un seul journaliste a-t-il déja provoqué un changement profond de la société ? Les médias d'aujourd'hui sont tous partie prenante, soit qu'ils s'engagent politiquement, soit qu'ils se trouvent intégrés à de grands groupes privés et d'une manière ou d'une autre aliénés. Dés que l'on intègre un média, on intègre une hierarchie, une ligne éditoriale, etc.

    martin
    ( à suivre...?)

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  20. ( Tiens ? un photographe...
    S'indigner...contre quoi précisement ? la condition humaine ? les arabes ? les jaunes ? le viagra ? Dieu ? les jeunes journalistes qu'ont pas d'jus ?
    A oui pardon : Sarkoziiiiii. )

    ( suite du 28 )

    En fait, aucun regret vis à vis du zappage du journalisme , mais simplement une correction : je m'a trompé, "je" mon petit ego, "je" l'extremiste, nihiliste, simpliste,j'm'en foutiste trop ambitieux, trop prétentieux, trop neu-neu.
    Un seul journaliste n'a jamais changé le monde : vrai ! Certains le font tous les jours, en douceur, petit à petit, comme de bons petits moines-soldats !
    Les journalistes sont soumis à une hierarchie, à des interêts privés, à leurs lecteurs : vrai ! la bonne question est : lesquels et jusqu'à quel point ?
    Merde à la parano, au fatalisme facile, au "c'était tellement mieux avant" et au "tous pourris" ; rien ne s'est arrêté aprés 68 ! L'esprit de mai est comme un feu de tourbe : à combustion lente...il continue de se transmettre aux jeunes générations au coeur même du "spectacle", grâce à quelques infiltrés, agents "dormants" de la subversion et trouve en permanence de nouveaux vecteurs et espaces libres pour respirer ( TAZ ).
    L'exposé est un peu confus.
    Je ne suis pas un pro.
    Mais permettez-moi, Mr Ferraud, de vous exprimer ma SYMPATHIE, car de ces journalistes TU ES.

    martin dit " hors-sujet"

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  21. Bonjour,
    N'étant pas journaliste et encore moins issu des "lettres" je ne connais donc pas les ficelles de votre métier.
    Aussi je serai heureux de pouvoir renseigner le plus possible un(e) journaliste indépendant(e) avec un grand I, qui sera capable d'informer utilement nos Concitoyens du déni constant concernant un mal qui gangrène notre société à savoir le conflit d'intérêt notamment dans des niches volontairement ignorés par nos politiciens.
    Alors si ça eut intéresser quelqu'un, voici un exemple dont j'ai absolument tous les justificatifs :
    http://www.assvictimescreditmutuel.com/LettreOuverteAuCM.pdf
    Bien cordialement
    jm wieser

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  22. Avec toi ! Il y a longtemps que j'ai pris le maquis pour ma part...

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  23. Superbe coup de gueule. Le pire dans tout ça, c'est ce formatage sournois que l'institution et nos pairs nous infligent, comme un poison lent. Difficile de démêler le "je suis raisonnable" ou "je tente d'être objectif" du "je suis conditionné"

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