"Mort d'un soldat républicain", photo prise par Robert Capa le 5 septembre 1936 |
Robert Capa saisissant l'instant précis où la balle franquiste fauche un milicien républicain espagnol, à Cerro Muriano, quelque part sur le front d'Andalousie. J'ai toujours aimé cette photo. D'abord parce que c'est l'une des meilleures photos jamais prise par un reporter de guerre. Je l'aime aussi pour ce qu'elle représente de politique et de prophétique: l'espoir et la liberté assassinés par le fascisme dès 1936 dans la lâche indifférence des grandes démocraties occidentales. Je l'aime enfin et surtout parce que l'oeil du photographe a su capter et transmettre miraculeusement* jusqu'à nous cette vie coupée en deux, un infime fragment d'histoire individuelle broyée dans le grand chaudron de l'Histoire en train de se faire.
Peut-on encore faire aujourd'hui une photo ayant cette puissance symbolique unique, à l'heure de l'overdose d'images dématérialisées déferlant sur tous les écrans de notre vie ? A force de la banaliser à coup de megapixels démultipliés à l'infini et de gigaoctets stockés sur nos disques durs, la civilisation numérique est-elle en train de tuer la photographie au sens où on l'entendait depuis son "invention" par Nicéphore Niépce en 1826 ? C'est que je me demandais l'autre jour en sortant de la très belle expo Larry Clark, l'un des rares photographe et réalisateur de cinéma à avoir su capter l'éphémère éternel de l'adolescence (à ce sujet voir ce billet de ma consoeur Capucine Cousin et celui-ci sur le blog de Diane L'actu à la loupe). Et je me posais hier soir la même question en sortant du cinéma. Vu "L'homme qui voulait vivre sa vie", ou comment un Romain Duris fugitif tue le winner digital qu'il était devenu pour tenter de renaître à la vie à travers le viseur d'un vieux Nikon qui le révèle à lui-même comme dans un bain argentique...
Etymologiquement, la photographie c'est l'art de représenter le réel par l'image en "écrivant la lumière". Je ne suis pas sûr aujourd'hui que nous écrivions la lumière en sortant à tout bout de champ nos compacts numériques, nos smartphones et même nos réflex pour prendre des images insignifiantes à la volée, en rafale, avant de les poster sur Facebook.
Au temps de l'argentique, nous avions surtout l'illusion de capturer l'instant présent, de voler un millième de seconde au temps qui passe, d'immortaliser un fragment d'humanité au temps T. Prendre une photo était encore un cérémonial. Dabord il fallait être sûr de son shoot : une pellicule = 24 ou 36 poses. pas une de plus. Et le tirage coûtait bonbon. Ensuite choisir sa focale en deux temps trois mouvements pour se donner plus ou moins de champ, régler l'ouverture en fonction de la lumière, choisir sa vitesse d'obturation pour figer ou non le mouvement...J'ai fais mes premières armes de photographe amateur sur le Praktica de mon père...un appareil robuste, précis et rustique fabriqué à Dresde, à l'époque en Allemagne de l'Est. Puis, il y a eu ce formidable Olympus OM-10 et ses optiques Zuiko pour mes 18 ans. Un concentré de technologie japonaise, le plus petit des réflex en l'an 1984. Je l'ai toujours. De la photo au tirage, il fallait donner le temps au temps. Porter sa pellicule à développer pour obtenir ses tirages. Ou le faire soit-même dans la magie des chambres noires.
Je me souviens, enfant, de ces heures complices passées avec mon père, ce héros, sous la lumière rouge, la seule tolérée en ces lieux. Ce n'était plus cérémonial mais religion. Il y avait d'abord l'agrandisseur bombardant de lumière le négatif pour fixer l'image sur le papier blanc. Il fallait ensuite tremper le tirage dans un bain révélateur...et là miracle au bout de la pince, on voyait l'image apparaître miraculeusement sur le papier, comme une insigne récompense à la méthode et à la patience qu'il avait fallu pour en arriver là, du cliché à la révélation. Puis c'était le bain d'arrêt pour stopper la réaction chimique. Et enfin le bain fixateur pour prêter vie au cliché. Qui n'a pas vécu cette religion de l'argentique ne connait pas le vaudou de la photographie : j'ai volé un instant de ta vie, ça se mérite...
Nous prenions des clichés pour garder le souvenir d'une bulle spatio-temporelle de bonheur, laisser un témoignage de nos fragiles existences, transmettre la mémoire familiale, témoigner de l'histoire en train de se faire...bref sourire à la vie et dire merde à la mort.
Peut-on encore faire aujourd'hui une photo ayant cette puissance symbolique unique, à l'heure de l'overdose d'images dématérialisées déferlant sur tous les écrans de notre vie ? A force de la banaliser à coup de megapixels démultipliés à l'infini et de gigaoctets stockés sur nos disques durs, la civilisation numérique est-elle en train de tuer la photographie au sens où on l'entendait depuis son "invention" par Nicéphore Niépce en 1826 ? C'est que je me demandais l'autre jour en sortant de la très belle expo Larry Clark, l'un des rares photographe et réalisateur de cinéma à avoir su capter l'éphémère éternel de l'adolescence (à ce sujet voir ce billet de ma consoeur Capucine Cousin et celui-ci sur le blog de Diane L'actu à la loupe). Et je me posais hier soir la même question en sortant du cinéma. Vu "L'homme qui voulait vivre sa vie", ou comment un Romain Duris fugitif tue le winner digital qu'il était devenu pour tenter de renaître à la vie à travers le viseur d'un vieux Nikon qui le révèle à lui-même comme dans un bain argentique...
Photo de Larry Clark expo "Kiss the Pass Hello" |
Au temps de l'argentique, nous avions surtout l'illusion de capturer l'instant présent, de voler un millième de seconde au temps qui passe, d'immortaliser un fragment d'humanité au temps T. Prendre une photo était encore un cérémonial. Dabord il fallait être sûr de son shoot : une pellicule = 24 ou 36 poses. pas une de plus. Et le tirage coûtait bonbon. Ensuite choisir sa focale en deux temps trois mouvements pour se donner plus ou moins de champ, régler l'ouverture en fonction de la lumière, choisir sa vitesse d'obturation pour figer ou non le mouvement...J'ai fais mes premières armes de photographe amateur sur le Praktica de mon père...un appareil robuste, précis et rustique fabriqué à Dresde, à l'époque en Allemagne de l'Est. Puis, il y a eu ce formidable Olympus OM-10 et ses optiques Zuiko pour mes 18 ans. Un concentré de technologie japonaise, le plus petit des réflex en l'an 1984. Je l'ai toujours. De la photo au tirage, il fallait donner le temps au temps. Porter sa pellicule à développer pour obtenir ses tirages. Ou le faire soit-même dans la magie des chambres noires.
Je me souviens, enfant, de ces heures complices passées avec mon père, ce héros, sous la lumière rouge, la seule tolérée en ces lieux. Ce n'était plus cérémonial mais religion. Il y avait d'abord l'agrandisseur bombardant de lumière le négatif pour fixer l'image sur le papier blanc. Il fallait ensuite tremper le tirage dans un bain révélateur...et là miracle au bout de la pince, on voyait l'image apparaître miraculeusement sur le papier, comme une insigne récompense à la méthode et à la patience qu'il avait fallu pour en arriver là, du cliché à la révélation. Puis c'était le bain d'arrêt pour stopper la réaction chimique. Et enfin le bain fixateur pour prêter vie au cliché. Qui n'a pas vécu cette religion de l'argentique ne connait pas le vaudou de la photographie : j'ai volé un instant de ta vie, ça se mérite...
James Stewart dans "Fenêtre sur Cour" |
Je conjugue au passé car les choses ont bien changé depuis l'avènement de la civilisation numérique. La plus que centenaire compagnie Eastman Kodak a abandonné l'argentique pour ne pas disparaître. Son homologue britannique Ilford a stoppé la production de ces pellicules noir et blanc 400 Asa qui faisaient le bonheur de mon père. Les réflex ne font plus ce joli bruit mécanique qui se déclenchait avec le rideau de l'obturateur...à moins de les programmer pour mimer le passé.
Prendre non pas une, mais dix mais cent photos sans y penser. Les transmettre en quelques secondes d'un appareil numérique ou d'un smartphone sur l'écran d'un ordinateur, d'une tablette ou d'un téléviseur. Faire défiler paresseusement des centaines de clichés, stockées sur son PC, cocher ce qui nous plait, retoucher le cliché comme un chirurgien photoshop de l'image, diffuser une beuverie d'un soir ou un souvenir de vacances sur le réseau d'un clic et l'oublier immédiatement. Il y a tellement d'images possibles et disponibles que l'on ne photographie plus.
Rien de magique au déclic numérique. Sur une centaine de clichés pris au petit bonheur la chance, le hasard fera bien les choses. Il en restera bien dix publiables sur Facebook ou Twitter...Pourquoi s'ennuyer à cadrer ? S'inquiéter du contre-jour ou de la tête que fait votre sujet ? L'appareil corrigera automatiquement l'exposition et ne se déclenchera que si l'on sourit. La France compte plus 50 millions de téléphones, la plupart équipés d'une lentille numérique 5 à 8 megapixels. Et presque autant d'appareils photos numériques compacts ou réflex. Nous prenons chaque années des milliards de clichés. Montrer n'importe quoi, se montrer, prendre la pose, Mais qu'en reste-t-il ? Quelle est leur durée de vie au-delà du fun de l'instant ? Les revoit-on une fois diffusés ou stockés ? Presque jamais. Il faut de la nouveauté, être étonnés, consommer toujours et encore plus d'images. Où sont les albums photos que nous avions plaisir ou nostalgie à ouvrir, seul ou en famille ? On n'en fait plus, pas le temps. L'impression de tout pouvoir conserver, l'illusion de l'éternité tapie au fond d'un disque dur, d'un disque externe ou d'une clé USB. Au risque de tout oublier, de perdre sa mémoire et de ne pas construire l'histoire d'une famille, d'une nation, de l'humanité comme le rappelait récemment Emmanuel Hoog dans son essai "Mémoire Année Zéro".
Alors photographie-t-on encore ? Je me pose la question. «Si la photographie argentique exprimait la société industrielle du XIXe siècle, avec sa volonté de capter mécaniquement son existence, la photographie numérique appartient bel et bien à une nouvelle société du XXIe siècle, d'abord traversée par son désir de paraître», répond l'historien de la photographie André Rouillé. Bref Oui et Non. Les modernes objecteront la facilitation de la photographie, la fluidité de l'image numérisée prise et diffusée en deux clics, le gain de temps et la démocratisation du hobby. Je ne dis pas non. Même Larry Clark cité plus haut s'est mis au numérique pour shooter et filmer les jeunes skatters punk-latinos de Wassup Rockers en images saturées de couleur.Photographes professionnels, artistes, paparazzi, reporters de guerre...tout le monde s'y est mis. Pour ma part, je m'y suis converti voilà près de dix ans avec l'avènement des appareils numériques. Une décennie que l'Olylmpus OM-10 et le Canon EOS-500 qui lui a succédé dorment dans un placard. Mais ils vont reprendre du service. Je ne sais pas pourquoi moins l'époque est radieuse, moins elle est porteuse d'espoir, plus j'ai envie d'écrire la lumière sur le réel.
Jean-Christophe Féraud
* Il y a débat sur l'authenticité de cette photo prise le 5 septembre 1936 par Robert Capa et publiée dans la foulée par le magazine français "VU". Certains affirment qu'il s'agit d'une mise en scène de propagande pour la cause républicaine espagnole. D'autres que le milicien prenait la pose quand il a été touché par une balle, la faute à Capa en somme. En réalité, la photo est sans doute authentique. D'autres reporters de guerre réussiront "l'exploit" de saisir cet instant où la guerre prend son dû, du front russe à la guerre Vietnam, en passant par le débarquement de Normandie. Robert Capa y laissera lui aussi sa vie, en marchant sur une mine au Tonkin, le 25 mai 1954, dans les derniers jours de l'Indochine française. Mais nul autre photographe n'était présent pour immortaliser sa mort en témoin.
Prendre non pas une, mais dix mais cent photos sans y penser. Les transmettre en quelques secondes d'un appareil numérique ou d'un smartphone sur l'écran d'un ordinateur, d'une tablette ou d'un téléviseur. Faire défiler paresseusement des centaines de clichés, stockées sur son PC, cocher ce qui nous plait, retoucher le cliché comme un chirurgien photoshop de l'image, diffuser une beuverie d'un soir ou un souvenir de vacances sur le réseau d'un clic et l'oublier immédiatement. Il y a tellement d'images possibles et disponibles que l'on ne photographie plus.
Rien de magique au déclic numérique. Sur une centaine de clichés pris au petit bonheur la chance, le hasard fera bien les choses. Il en restera bien dix publiables sur Facebook ou Twitter...Pourquoi s'ennuyer à cadrer ? S'inquiéter du contre-jour ou de la tête que fait votre sujet ? L'appareil corrigera automatiquement l'exposition et ne se déclenchera que si l'on sourit. La France compte plus 50 millions de téléphones, la plupart équipés d'une lentille numérique 5 à 8 megapixels. Et presque autant d'appareils photos numériques compacts ou réflex. Nous prenons chaque années des milliards de clichés. Montrer n'importe quoi, se montrer, prendre la pose, Mais qu'en reste-t-il ? Quelle est leur durée de vie au-delà du fun de l'instant ? Les revoit-on une fois diffusés ou stockés ? Presque jamais. Il faut de la nouveauté, être étonnés, consommer toujours et encore plus d'images. Où sont les albums photos que nous avions plaisir ou nostalgie à ouvrir, seul ou en famille ? On n'en fait plus, pas le temps. L'impression de tout pouvoir conserver, l'illusion de l'éternité tapie au fond d'un disque dur, d'un disque externe ou d'une clé USB. Au risque de tout oublier, de perdre sa mémoire et de ne pas construire l'histoire d'une famille, d'une nation, de l'humanité comme le rappelait récemment Emmanuel Hoog dans son essai "Mémoire Année Zéro".
Photo Larry Clark, sur le tournage de "Wassup Rockers" |
Jean-Christophe Féraud
* Il y a débat sur l'authenticité de cette photo prise le 5 septembre 1936 par Robert Capa et publiée dans la foulée par le magazine français "VU". Certains affirment qu'il s'agit d'une mise en scène de propagande pour la cause républicaine espagnole. D'autres que le milicien prenait la pose quand il a été touché par une balle, la faute à Capa en somme. En réalité, la photo est sans doute authentique. D'autres reporters de guerre réussiront "l'exploit" de saisir cet instant où la guerre prend son dû, du front russe à la guerre Vietnam, en passant par le débarquement de Normandie. Robert Capa y laissera lui aussi sa vie, en marchant sur une mine au Tonkin, le 25 mai 1954, dans les derniers jours de l'Indochine française. Mais nul autre photographe n'était présent pour immortaliser sa mort en témoin.
Le rapport a l'image a évolué, la culture populaire aussi. Tout un chacun dispose d'un écran sur son appareil photo, qui lui offre de réaliser par un réflexe devenu normal, un cadrage parfait qu'il n'était pas alors possible de réaliser auparavant. Culture cathodique formant les réflexes numériques. Les techniques ont évolué, la luminance est apparue comme un support permanent sur les écrans, ce qui n'était pas le cas du papier photo (5 diaphs d'écart) ou de la diapo (14 diaphs) laquelle donnait l'impression d'une reproduction plus proche de la réalité que le papier. L'image est devenue accessible et populaire. Tant mieux. Il convient maintenant de réinventer notre rapport à l'image pour offrir de nouvelles perspectives. Une réadaptation et une mutation nécessaires et finalement captivantes de ce qu'il est possible aujourd'hui d'apporter en plus à la photographie. La profusion d'images souvent exceptionnelles alimentées par des des amateurs, éclairés ou non, depuis quelques années, nous oblige à repenser ce qui constitue la légitimité de notre exercice. Pas facile mais justement intéressant.
RépondreSupprimerPas facile de commenter en fait... plein de sujets.
RépondreSupprimerEn intro je précise que j'ai visiblement un rapport à la photo similaire au tiens (on ne se connaît pas mais je suis d'humeur "tu").
J'ai appris la photo avec un oncle qui partait faire des reportages en Afrique, avec des cartons péloches dans ma chambre chez mes grand-parents. Il m'a offert un Zenith avec optiques russes et films est allemands ramenés de Berlin. A moi les joies du labo avec lui ou mon grand-père. C'est cet oncle qui m'a donné la passion du FM2.
Pour revenir au sujet, je crois que le numérique rend faineant, qu'effectivement quand on n'avait que 12, 24 ou 36 vues sur son film on faisait un peu attention (en plus ça avait un coût). Le numérique c'est bien parceque ça rend accessible (plus simple et moins coûteux) ce loisir à un plus grand nombre.
Mais effectivement on est inondés d'images chiantissimes.
Le vrai problème c'est ce qu'on en fait : pour quoi on les fait, les diffuse.
Les images comme celles de Capa ne se voient plus beaucoup aussi parcequ'elles sont vites ballayées par d'autres, certes, mais surtout parcequ'on en publie moins, tu ne crois pas ?
Un reportage de guerre ça ne fait pas plaisir aux trois annonceurs de la page d'à côté.
Tout va vite, et la valeur des ces images semble proportionnelle à leur poids dans le flux et au temps qu'on les voit, c'est à dire de moins en moins.
Il faut avouer que je n'ai pas souvent cet instant d'arrêt devant une photo saisissante.
Mais encore une fois je mets plus ça sur le fait que l'image est partout (dans l'espace, dans les supports qui se sont multipliés et dématérialisés aussi), dans le temps, dans les messages (pub, actu, loisirs).
Trop de signaux, d'infos, overdose.
Pour moi c'est pareil avec l'information : tout n'est plus que dépêches, brèves. Les papiers un peu creusés, un peu longs, on a de moins en moins de temps et/ou d'énergie pour les lire. D'ailleurs j'ai l'impression qu'il y en a de moins en moins. On va au facile.
Un petit tour du côté de chez James Nachtwey (http://jamesnachtwey.com) pour se rappeler qu'il y a encore des grands (et en vie).
Et pour ceux qui ne l'ont pas vu il existe un DVD (compliqué à trouver) : War Photographer, réalisé par un suisse, et consacré à Nachtwey.
Marc.
http://polom.org/
J'ai plutôt l'impression que c'est juste une évolution technique. Ceux qui faisaient de mauvaises photos de repas de famille avec leur instamatic ont été remplacés par des gens qui font de mauvais photos de leurs soirées avec leur téléphone. Mais sur le fond c'est la même chose.
RépondreSupprimerAu lieu de travailler les photos en labo lors du développement on les travaille dans photoshop mais au final n'est-ce pas la même chose.
La différence primordiale à mon sens entre argentique et numérique, est quelque part le risque de perte de mémoire collective. La probabilité de crash d'un disque dur étant nettement plus élevé que la probabilité de perte des photos papiers et qui a une sauvegarde systématique de son disque dur. Il est possible que dans le temps on perde de la substance de ce fait (et là je parle des photos dites "familiales" bien sûr).
Le sujet est finalement très vaste. Mais pour en revenir à la nostalgie de l'argentique... je ne suis pas certain d'avoir envie d'y revenir... le numérique a quand même énormément d'avantages (le premier étant déjà de" pouvoir visualiser immédiatement le résultat et de pouvoir ajuster les réglages si besoin)(on a raté combien de photos en se disant en voyant les tirages que si l'on avait su on aurait ouvert ou fermé d'un ou deux diaph...).
http://www.facebook.com/photo.php?fbid=103370516383797&set=a.103370513050464.6833.100001325463161
RépondreSupprimermoi j'aime bien ça :-)
J'ai malgré tout l'impression qu'on peut tout à fait « écrire la lumière » avec un appareil numérique. Pour moi, le support argentique n'apporte aucune valeur particulière, ce qui compte, c'est l'image. On peut oublier, ou ne pas voir, la technique et le support.
RépondreSupprimerOn peut parfaitement prendre son temps avec un reflex numérique. On a beaucoup plus de possibilités, de souplesse, moins de contraintes et des contraintes différentes, mais on peut parfaitement faire des photos aujourd'hui.
Bonjour JC,
RépondreSupprimerTrès joli billet, plein de ta nostalgie poétique... J'aime beaucoup ta métaphore de la photographie fixateur d'éternité.
Il y a avec le numérique cette volonté d'arracher encore plus de moments à l'oubli. La technique le permet, pourquoi s'en priver? Avec comme tu le notes, un certain narcissisme exacerbé : tous les instants de ma vie sont intéressants.
Mais surtout le rapport au temps, à l'instant se modifie. Comme disait Pascal : "nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais."
Nous anticipons avec nos photos le moment où nous rappelerons ce moment qui aura été occupé à se anticiper le futur. C'est la négation du présent, de l'instant.
Enfin, cette photographie numérique compulsive révèle bien notre époque de libéralisme économique et cette logique d'accumulation, de consommation à tout crin. On prend tout, sans distinction, tels des harpagons du temps. Comme si le souvenir se fixait comme cela.
C'est l'absence de choix, de sélectivité, de recul qui annule toute efficience à cette démarche. Il se produit alors irrémédiablement nivellement du souvenir : tout se vaut, tout était bien, joli, intéressant. Autrement dit, comme l'esprit humain ne saurait tout retenir, il ne reste de tout cela qu'une impression fade et floue, à l'image d'une photo ratée...
Me donne l'idée d'un billet futur tiens... ;)
A bientôt
Cyceron
On me pose souvent la question : pourquoi continuer à faire de l'argentique ? un brin moqueur. J'ai toujours du mal à répondre à cette question. Mais la première idée qui me vient à l'esprit, quand j'ai mon EOS 3 dans les mains, c'est la notion de plaisir. Oui c'est ça, c'est une question de plaisir après tout. Même quand je n'ai consommé que trois vues sur une pellicule Ilford HP5, je suis heureux d'avoir concentré toute mon attention sur mon sujet avant de déclencher.
RépondreSupprimerAvec le reflex numérique, je n'ai pas la même intensité dans mes images, en tout cas c'est plutôt rare. Je sais pertinemment que je peux vérifier immédiatement et recommencer.
Moi qui croyais que le débat argentique/numérique était obsolète depuis quelques années. Je me rends compte qu'il fait toujours réagir les gens.
En tout cas, ton article est terriblement bien écrit et agréable à lire.
Merci.
Moi je pense que le seul désavantage du numérique est la quantité de photos possible et le fait qu'on ne soit pas obligé de toutes les développer, il est vrai que l'image est ainsi quelque peu dévalorisée de par sa dématiéralisation...
RépondreSupprimerEn revanche, je pense que d'un point de vue philosophique et artistique, on peut trés bien avoir une démarche similaire avec un vieux Leica qu'avec le flambant M9. Le pouvoir de l'instantané reste le même et la question que se pose tout artiste photographe "Que veux-je dévoiler du réel?" n'est pas fondamentalement bouleversée par le numérique, ce dernier apporte juste de nouveaux outils. Non?
@ Monsterfred: ce que vous dites est vrai, du fait du caractère illimité des capacités de stockage, on prend moins garde à la photo que l'on va prendre et celle ci peut perdre en intensité.
RépondreSupprimerEn revanche, si l'on s'astreint à une démarche réelle de photographe, à exercer son regard, je ne vois pas la différence. C'est juste qu'etre photographe devient une prise de conscience et un fossé se creuse entre ultilisateurs lambdas (qui se contentent de presser le déclencheur passivement) et personnes composant, créant l'image.