Dimanche sur France Culture, Xavier de La Porte, qui anime l'excellente émission "Place de la Toile" a longuement cité un papier très fouillé de John Markoff du "New York Times" sur la robotisation en marche de l'US Army. Il se trouve que j'avais pas mal travaillé sur le sujet il y a quelques temps, lorsque j'étais reporter au service enquêtes de La Tribune. Les machines au service de la guerre me passionnent depuis tout petit, lorsque je lisais les "Histoires de Robots" de ce bon Docteur Asimov. Avec toutes les questions technologiques, éthiques et philosophiques que cela pose à l'humanité. Je publie donc ici une version actualisée, digest et largement remaniée de plusieurs papiers que j'avais consacré à ces vilains robots tueurs. Et oui, avant de virer totalement Gonzo, j'ai été un journaliste presque sérieux !
"Sasha", Enki Bilal, planche de l'album "32 décembre" |
Le robot "Sword" de l'US Army |
Désormais, pour les militaires, l’avenir appartient au robot : ce combattant idéal qui obéit toujours aux ordres, ne ressent ni la fatigue ni la douleur, n’a jamais de problème de conscience ni de famille à indemniser. On est encore loin des robots type «Terminator » à apparence humanoïde. Oubliez aussi Intelligence artificielle, le film de Spielberg où les robots ont un « QI » de 150…Mais nous n’avons encore rien vu. Car, en matière de course à l’armement, le lobby militaro-industriel américain ne fait pas les choses à moitié : 160 milliards de dollars ! C’est l’enveloppe faramineuse que le Pentagone a obtenu pour développer son programme de robots de guerre « Future Combat System » (FCS). Du jamais-vu depuis la « guerre des étoiles » du président Reagan. Objectif : équiper en véhicules robotisés 32 brigades de l’US Army et des marines d’ici à 2015 (soit 15% des effectifs) ! Cornaqué par la très secrète Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency), le géant de l’armement Boeing pilote le développement de 18 robots : véhicules de reconnaissance, de transport, de déminage, d’artillerie, de combat et d’assaut… toute la panoplie sera disponible.
Bardés de capteurs, ces engins seront capables de se diriger, d’espionner ou de faire feu sur l’ennemi de manière quasi autonome. Ces « UGV » (pour « véhicules terrestres sans pilote») recevront leurs ordres des soldats via un super-intranet militaire permettant des communications à haut débit par satellite. La guerre en réseau, que les Américains appellent « Network Centric Warfare » (NCW) et les Français « bulle opérationnelle aéroterrestre » (BOA), a déjà commencé…Pour les militaires, l’utilisation de robots sur le champ de bataille présentede nombreux avantages : « Les drones de combat permettent de concentrer les efforts en soulageant les combattants, en particulier là où le danger est élevé. Ils économisent les moyens […]. Ils assurent une permanence et une disponibilité dont l’homme est incapable pour des raisons physiques », détaille un officier français enthousiaste sur le site spécialisé Checkpoint Online.
Bardés de capteurs, ces engins seront capables de se diriger, d’espionner ou de faire feu sur l’ennemi de manière quasi autonome. Ces « UGV » (pour « véhicules terrestres sans pilote») recevront leurs ordres des soldats via un super-intranet militaire permettant des communications à haut débit par satellite. La guerre en réseau, que les Américains appellent « Network Centric Warfare » (NCW) et les Français « bulle opérationnelle aéroterrestre » (BOA), a déjà commencé…Pour les militaires, l’utilisation de robots sur le champ de bataille présentede nombreux avantages : « Les drones de combat permettent de concentrer les efforts en soulageant les combattants, en particulier là où le danger est élevé. Ils économisent les moyens […]. Ils assurent une permanence et une disponibilité dont l’homme est incapable pour des raisons physiques », détaille un officier français enthousiaste sur le site spécialisé Checkpoint Online.
Une libellule au service du fantassin
La libellule prototype de SillMach Transcausasie, 2025 : la guerre du pétrole fait rage. Des soldats français de la « Coalition pour le maintien de l’approvisionnement énergétique » approchent de leur objectif : les faubourgs d’une ville tenue par l’ennemi. La progression en zone hostile s’annonce périlleuse pour la petite troupe… Prudent, le chef de section sort de son treillis un étui de la taille d’un paquet de cigarettes et en extrait un cylindre ovoïde. C’est un « cocon » contenant un microdrone de reconnaissance « libellule ». Une pression du doigt suffit à libérer le petit insecte mécanique de 6 cm d’envergure qui se met aussitôt en vol stationnaire face à son « maître ». Un geste de la main en direction de l’objectif et la « libellule » s’envole pour un aller simple : pendant 20 minutes (autonomie maximum), le combattant, resté bien à l’abri, disposera d’un « oeil déporté » lui transmettant des images en direct des lignes ennemies. Une fois l’énergie de sa micropile MEMs épuisée, la « libellule » se « crashera » au sol, le sentiment du devoir accompli… « Une de perdue, 10 autres dans la poche », pensera alors le soldat, satisfait des renseignements collectés par le minuscule robot jetable. Ce scénario du futur n’est pas une vue de l’esprit. Depuis 2004, la Délégation générale pour l’armement (DGA) travaille très sérieusement sur ce projet de « nanodrone » faisant appel au dernier cri de la « microrobotique bioinspirée» : « Le défi est de mettre au point un tout petit drone capable de voler dans une pièce fermée sans se cogner aux murs. Cela suppose une très bonne aptitude au vol stationnaire et un champ de vision à 360 degrés. On s’est vite rendu compte que seule la nature était capable de telles prouesses. D’où l’idée de s’inspirer de la libellule », explique un responsable du projet à la DGA. Pour l’heure, la « libellule » ne vole pas encore, mais l’engin mis au point par la startup SilMach pour le compte de la DGA sait déjà battre des ailes comme un véritable anisoptère. « Nous avons implanté, sur chacune de ses 4 ailes, 180.000 muscles en polycristal de silicium du diamètre d’un cheveu, soit autant que sur une vraie libellule ! On arrive à plusieurs dizaines de battements par seconde », s’enthousiasme l'homme de la DGA. Comme le nanodrone ne pèse que 120 milligrammes, il ne sera pas trop difficile de le faire décoller. Lui apprendre à voir et à naviguer sera une autre histoire. Mais l’expert de la DGA y croit : sa « libellule » pourrait être opérationnelle d’ici vingt ans…
Face à une opinion publique de plus en plus hostile à la guerre, les robots permettent aussi de vendre l’illusion d’un conflit « zéro mort ». On comprend pourquoi les Américains, qui ont déjà perdu plus de 5.000 hommes en Irak, s’y intéressent tant. Mais la motivation est aussi économique : un robot de type « Sword » coûte 250.000 dollars quand un GI revient à 4 millions, de la formation à la retraite ! Enfin, les robots participent à la « guerre psychologique» : au moment de la guerre Golfe, les soldats irakiens agitaient le drapeau blanc à la seule vue d’un drone survolant leur position…Après avoir fait leurs premières armes sous la bannière US ou dans les rangs de Tsahal (l’armée israélienne), les robots intègrent donc progressivement l’arsenal des grandes armées.Très en retard sur les Américains, l’Europe de la défense a prévu de dépenser 5,5 milliards d’euros dans la recherche sur les drones d’ici à 2012.
Huile de l'artiste australien Ashley Wood |
La Délégation générale de l’armement (DGA) prépare un ambitieux programme de robots terrestres :«En 2012, nous déploierons une unité expérimentale baptisée “Tactic”. Elle comportera 40 fantassins, une douzaine de véhicules, 5 robots terrestres et 3 drones volants.“Tactic” nous permettra de tester le binôme homme-machine en situation opérationnelle », s’enthousiasme un responsable du projet à la DGA. Au menu, toute une gamme de robots montés sur roues ou chenilles allant de 2 kilos à 1 tonne. Ils assureront les missions pénibles (transport de munitions) et dangereuses (reconnaissance en zone ennemie ou contaminée, déminage)…mais ne seront pas armés pour éviter les « bavures ».
Alors verra-t-on un jour des robots attaquer l’ennemi de leur propre
initiative ? Côté américain, il est à peu près certain que les « docteurs Folamour» de la Darpa travaillent sur le sujet. Côté français, on se refuse – officiellement – à l’envisager : « Il n’est pas question pour l’armée française de transférer l’automatisme du tir à des machines. Ce serait trop dangereux et c’est aussi une question d’éthique », assure une source militaire. De toute façon, le « cerveau » des robots est encore trop limité. « Malgré la montée en puissance des systèmes d’armes automatisés, l’homme sera toujours au centre du combat.
Lui seul peut prendre les décisions qui s’imposent dans le feu de l’action et cesera encore vrai longtemps », estime-t-on chez un grand industriel. Aujourd’hui, le vol des drones doit ainsi être minutieusement programmé car ces engins ne savent pas « naviguer » tout seuls. Pour les missions plus délicates, les « Predator » sont même pilotés à distance par des as de l’US Air Force basée à Nellis, dans le Nevada...
Alors verra-t-on un jour des robots attaquer l’ennemi de leur propre
initiative ? Côté américain, il est à peu près certain que les « docteurs Folamour» de la Darpa travaillent sur le sujet. Côté français, on se refuse – officiellement – à l’envisager : « Il n’est pas question pour l’armée française de transférer l’automatisme du tir à des machines. Ce serait trop dangereux et c’est aussi une question d’éthique », assure une source militaire. De toute façon, le « cerveau » des robots est encore trop limité. « Malgré la montée en puissance des systèmes d’armes automatisés, l’homme sera toujours au centre du combat.
Lui seul peut prendre les décisions qui s’imposent dans le feu de l’action et cesera encore vrai longtemps », estime-t-on chez un grand industriel. Aujourd’hui, le vol des drones doit ainsi être minutieusement programmé car ces engins ne savent pas « naviguer » tout seuls. Pour les missions plus délicates, les « Predator » sont même pilotés à distance par des as de l’US Air Force basée à Nellis, dans le Nevada...
Les militaires violent les lois d'Asimov15 novembre 2001, Afghanistan, un drone « Predator » entre dans l’histoire en pulvérisant d’un tir de missile Hellfire Mohamed Atef, l’un des lieutenants de Ben Laden. Depuis cette première, Américains et Israéliens ont utilisé à maintes reprises ces robots tueurs pour éliminer des « combattant ennemis ». Les militaires ont donc violé les fameuses « lois de la robotique » d’Isaac Asimov…Ce génie de la science-fiction (Un défilé de robots, Le robot qui rêvait, Fondation…) a en effet imaginé trois lois fondamentales auxquelles les robots doivent se conformer en toutes circonstances...
Première loi : « Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, en restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. »
Deuxième loi : « Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la première loi. »
Troisième loi : « Un robot doit protéger son existence, du moment que cela ne rentre pas en contradiction avec la première et/ou la deuxième loi. » Dans l’oeuvre d’Asimov, les robots obéissent aveuglément à ces trois lois…jusqu’au jour où ils arrivent à la conclusion qu’elles sont incomplètes. Ils formulent alors de leur propre chef la « loi zéro » : « Un robot ne peut nuire à l’humanité ni, en restant passif, permettre que l’humanité souffre d’un mal. » Les militaires ont repris à leur compte cette loi ambigüe qui donne le droit aux robots de s’attaquer à l’homme. Mais dans les Robots et l’Empire d’Asimov, l’histoire ne finit pas en « happy end »…
Une chose est sûre, les nations les plus riches feront de plus en plus la guerre par bataillons de drones interposés. Des robots tueurs bardés de capteurs optroniques, de mitrailleuses et de missiles contre des combattants kamikazes armés de kalachnikovs et d’explosifs ? En Irak, en Afghanistan et ailleurs, le choc des civilisations s’annonce de plus en plus «asymétrique »…
Jean-Christophe Féraud
En bonus jetez un oeil sur cet engin, il s'appelle "Big Dog", c'est un prototype de la firme américaine Boston Dynamics. Effrayant non ?
ET voyez aussi cette conférence (en anglais) d'un spécialiste américain du sujet, PW Singer:
Ce n'est pas effrayant. C'est extraordinaire !
RépondreSupprimerSi l'on regarde plus a même les caractéristiques techniques du Drone "Predator", on s’aperçoit qu'il ne s'agit pas réellement d'un robot en soit car certes avion sans pilote (à bord) ce drone est piloté depuis le sol par un "pilote" qui a donc la possibilité d'utiliser ou non l'armement du drone. Les lois de la robotique ne sont donc pas transgresser, pour le moment, car si la recherche en robotique est très largement financer par les gouvernement c'est bien pour un but militaire. A suivre!
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