jeudi 5 novembre 2009

De l'Oseille pour Bakchich !


"Informations, enquêtes et mauvais esprit" : tout un programme... Le site satirique Bakchich, qui menace de déposer le bilan ce lundi après trois ans d'existence, en a fait sa devise claironnante. Pour ma part, bien qu'exerçant dans un journal des plus sérieux où la vérification scrupuleuse de l'information et le travail d'enquête l'emportent sur le mauvais esprit (normal on est aux "Echos" tout de même), j'aime aussi cette conception du journalisme. Car plus on est de fous pour informer et s'informer mieux c'est. Et puis aller fourrer son nez là où c'est défendu, gratter là où cela fait mal, bref prendre le risque de déplaire un ptit peu, c'est quand même la base du métier...depuis au moins Albert Londres. Bon bien sûr, Bakchich n'a jamais été à une approximation, voire un faux scoop près. Mais la disparition de ce turbulent petit frère du "Canard Enchaîné" serait une bien mauvaise nouvelle pour la presse française, qui n'en a pas besoin en ce moment. 

Car de l'info poil à gratter, du papier Ovni, du billet au lance-flamme, on en a bien besoin en ce moment. Surtout sur Internet où l'actualité en ligne ne brille pas vraiment par son originalité et son côté dérangeant. Lançant ses Scud à droite comme à gauche, cognant comme un sourd sur la Sarkozie comme la Royalitude, déterrant de vieilles affaires de Big Bizness et de Filouteries, révélant au grand jour les petites turpitudes des grands de ce monde, Bakchich informe, amuse et irrite tout à la fois. Autant dire que Nicolas Beau et Xavier Monnier, qui ont lancé leur site fin 2006, ne se sont pas fait que des amis y compris dans nos milieux prétendument bien informés. Pas facile dans ces conditions de trouver de l'argent pour continuer l'expérience... 

Le problème c'est que Bakchich n'a jamais vraiment trouvé son modèle économique : partiellement payant depuis un  an, le site n'a jamais compté plus de 2.500 abonnés à 50 euros par an. Pas de quoi faire vivre une petite équipe de six journalistes, même en vendant en sus quelques "Off" croustillants à l'unité. D'autant qu'il faut oublier les recettes publicitaires quant on tire à vue à longueur de journée sur ses annonceurs potentiels. C'est pourquoi, dans une tentative un peu désespérée, Bakchich a lancé en septembre dernier un hebdo papier, venu concurrencer en kiosques les "Charlie" et autres "Siné Hebdo". L'idée était de faire connaître le site auprès du grand public pour générer de nouvelles recettes bimédia. Car Bakchich est surtout connu aujourd'hui...des journalistes. A l'époque, Nicolas Beau avait prévenu : si les ventes n'atteignent pas rapidement les 25.000 exemplaires, ce sera le dépôt de bilan. On y est aujourd'hui. Car après un premier numéro à 30.000, les ventes de "Bakchich Hebdo" sont tombées à 13.000 exemplaires en moyenne. Et la dette atteint 100.000 euros.


Dans une interview à "20 Minutes", Nicolas Beau reconnaît que sans recapitalisation, ni amélioration des ventes, Bakchich "ne sera plus là en janvier prochain". Première étape, le petite entreprise de presse va demander lundi au tribunal de commerce de Paris sa mise sous redressement judiciaire. Objectif : gagner un peu de temps pour trouver de l'argent frais...et faire parler de soi par tous les moyens. Pour survivre et continuer dans le mauvais esprit journalistique caractérisé, Bakchich pourra compter en partie sur les nouvelles aides à la presse en ligne. Mais il faudra être encore là l'an prochain pour en profiter. Aussi, le site espère surtout trouver de nouveaux investisseurs (après le patron d'Iliad Xavier Niel et Jean-Jacques Coppée notamment qui lui ont apporté 260.000 euros). Pour continuer, Bakchich a besoin de 70.000 euros par mois,  soit 1 million d'euros par an. 1 million ? C'est beaucoup et peu à la fois. Finalement, c'est le train de pertes mensuel d'un quotidien national normalement constitué...


De son côté, Nicolas beau assure pouvoir présenter "trois pistes de recapitalisation" au tribunal de commerce. Ca ressemble à un "Off"... On souhaite évidemment à Bakchich que l'une de ces pistes débouche sur du concret. Mais à défaut on pourrait suggérer à nos confrères de lancer une souscription : "De l'oseille pour Bakchich !". Ca sonne bien non ? Bon c'est vrai, c'est un peu passé de mode les souscriptions...les gens ne donnent plus aux journaux sans revenus fixes. "Libé" et "L'Huma" en savent quelque chose. Sinon Nicolas Beau évoque sans trop y croire la possibilité d'un mariage avec un autre site (Rue89 ? Mediapart ?) ou la piste d'une fusion avec "Siné Hebdo"... L'ancien du "Canard Enchaîné" ne va pas jusqu'à avancer l'idée d'une vraie-fausse OPA de l'auguste hebdomadaire satirique sur son fils spirituel dévoyé. Mais après tout pourquoi pas ? C'est bien connu ils ont de l'argent au "Canard". Et puis l'Internet ce n'est pas vraiment leur fort comme on le voit ici...

J-C.F



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